Certains sont comblés, d’autres déçus. En approuvant ce mercredi 13 décembre lors de la 28e conférence sur climat de l’ONU à Dubaï un accord longuement négocié, les pays du monde entier se sont accordés pour opérer une «transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques» qui doit se faire «d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050». Le terme de «sortie» totale de ces énergies émettrices de gaz à effet de serre ne figure pas dans le texte, concession faite aux pays riches en pétrole et en gaz. Toutefois, jamais dans l’histoire des conférences climatiques des Nations unies les énergies fossiles dans leur ensemble n’avaient été mentionnées, alors que leur combustion depuis le XIXe siècle est la première cause du réchauffement.
L’accord de 21 pages a alors été salué par la présidence émiratie de la conférence, les Etats-Unis, l’Union européenne, la France, l’Espagne et les Pays-Bas, ou encore les pays arabes. Il s’agit d’une décision «historique pour accélérer l’action climatique», s’est ainsi félicité Sultan al-Jaber, président émirati de cette conférence de l’ONU qui a rassemblé quelque 200 pays. Le président controversé de l’événement, également à la tête de la compagnie pétrolière nationale, s’enorgueillit du texte adopté par consensus, sans qu’aucun des 194 pays ni l’Union européenne n’objecte son refus. «Pour la première fois, notre accord final contient des références aux combustibles fossiles, a-t-il souligné, nous quittons Dubaï la tête haute.»
Thank you to everyone who made COP28 possible.
— COP28 UAE (@COP28_UAE) December 13, 2023
We united. We acted. We delivered. pic.twitter.com/SBJSMSpjbC
L’Arabie Saoudite a également exprimé au nom du groupe arabe sa «gratitude» et a salué «les grands efforts» de la présidence émiratie. Riyad a assené que les pays devaient aussi «exploiter toutes les possibilités permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, qu’elle qu’en soit la source, et en utilisant toutes les technologies». Le pays du Golfe fait ici référence aux technologies de stockage et de capture de carbone, pourtant encore peu abouties et très coûteuses.
Il aura fallu près de trente ans de COP pour «arriver au début de la fin des énergies fossiles», a applaudi dans le même temps le commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra. «Nous faisons un pas très, très significatif» pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, estime-t-il. L’accord «historique» conclu à la COP28 «marque le début de l’ère post-fossiles», s’est réjouie la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Dans un monde en proie au retour des conflits, cet accord est de fait «une raison d’être optimiste», a lancé l’émissaire américain pour le climat, John Kerry.
«L’accord de la COP28 qui vient d’être adopté est une victoire du multilatéralisme et de la diplomatie climatique», a quant à elle fait remarquer ce mercredi la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher à Dubaï. Emmanuel Macron a, lui, salué «une étape importante» qui «engage le monde dans une transition sans énergies fossiles», tout en appelant à «accélérer» la lutte contre le réchauffement de la planète.
Une «litanie de lacunes»
Mais à rebours du soulagement général et des applaudissements menés tambour battant lors du coup de maillet asséné par Sultan al-Jaber après une longue nuit de négociations, l’ONU, les petits Etats insulaires rongés par la montée des océans et certaines personnalités publiques ont eux été plus mesurés. Selon ces derniers, le texte adopté comprend une «litanie de lacunes», n’appelle pas directement à la sortie des énergies fossiles et inclut des failles pour les pays qui souhaitent continuer à exploiter leurs réserves d’hydrocarbures. Décevant ainsi la centaine de pays qui exigeaient une décision plus forte.
L’alliance des petits Etats insulaires (Aosis), particulièrement menacés par le changement climatique, a ainsi exprimé des réserves et inquiétudes après l’adoption du texte, qu’elle juge insuffisant. «Nous avons fait un pas en avant par rapport au statu quo mais c’est d’un changement exponentiel dont nous avions vraiment besoin», a regretté la représentante des îles Samoa Anne Rasmussen, dont le pays préside l’organisation. Les délégués européens et d’autres nations l’ont applaudie, dans une longue standing ovation.
Même son de cloche pour l’émissaire des Îles Marshall, John Silk, une île du Pacifique, qui se montre critique à l’égard de l’accord. «Je suis venu depuis mon île natale pour travailler avec vous tous afin de relever le plus grand défi de notre génération. Je suis venu ici pour construire ensemble un canoë pour mon pays», a énoncé John Silk lors de la séance plénière de la COP28. «Au lieu de cela, nous avons construit un canoë dont la coque est fragile et percée, remplie de trous. Pourtant, nous devons le mettre à l’eau parce que nous n’avons pas d’autre choix», déplore-t-il. Le ministre de cet archipel d’Océanie souligne enfin que le changement climatique érode actuellement les côtes de son Etat, tout en notant que l’accord conclu aujourd’hui constitue, malgré tout, un progrès.
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«L’ère des énergies fossiles doit se terminer, et elle doit se terminer avec justice et équité», a affirmé le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, après l’annonce de l’accord. «Je tiens à dire que la sortie des combustibles fossiles est inévitable, que [les pays] le veuillent ou non. Espérons qu’elle n’arrive pas trop tard», a exhorté ce héraut contre le chaos climatique en s’adressant à «ceux qui se sont opposés à une référence claire» sur cette notion d’élimination dans le texte de la COP28. «Le monde ne peut se permettre des retards, de l’indécision ou des demi-mesures», a-t-il insisté. Le texte adopté par consensus se résume donc en deux mots : compromis imparfait.