La hausse du niveau de l’océan, l’intensification des sécheresses, l’aggravation des inondations sont des effets bien connus du changement climatique. Aujourd’hui, une autre conséquence inattendue du réchauffement induit par l’homme pourrait s’ajouter à cette liste : les rats, dont le nombre augmente sans cesse. Selon une analyse conduite dans 16 villes [des Etats-Unis, du Canada et d’Europe, avec Amsterdam, ndlt] publiée vendredi 31 janvier, les populations de rats des villes explosent dans le monde entier, en grande partie à cause de l’augmentation des températures. Dans ce classement, c’est à Washington que l’évolution est la plus marquée, suivie par San Francisco, Toronto et New York.
A lire aussi
Ces résultats ont un impact important pour ces villes qui se réchauffent, déjà en lutte contre les nuisibles destructeurs ; ces derniers propagent en effet des maladies, contaminent les aliments via leur urine et leurs excréments, mordent les humains et les animaux domestiques, rongent les câbles électriques dans les maisons ou les voitures, et causent des dégâts dont le coût est estimé à 27 milliards de dollars par an rien qu’aux Etats-Unis. «Cela donne aux villes une meilleure idée de la tâche ardue qui les attend», commente l’écologue Jonathan Richardson, de l’université de Richmond, premier auteur de ce travail publié dans la revue Science Advances.
Une mer infinie de rats
La vie est dure pour les rats. Au plus fort de l’hiver, les rongeurs se réfugient sous terre ou à l’intérieur, passant moins de temps à chercher de la nourriture pour nourrir leurs petits et se reproduire. «Pour un petit mammifère, il est assez difficile de trouver de quoi vivre pendant les mois d’hiver très froids», décrypte le scientifique. Pour déterminer si des températures plus douces allègent ce fardeau hivernal et permettent aux rats de se reproduire davantage, ses collègues et lui ont recueilli des données à partir d’observations durant des périodes de 7 à 17 ans en fonction des villes, y compris à Tokyo et Amsterdam. Les identifications de rongeurs ont augmenté de manière significative dans 11 des 16 villes analysées, un résultat qui ne surprend pas les professionnels chargés de la gestion de ces nuisibles.
Au cours de la dernière décennie, les signalements de rats ont augmenté de plus de 300 % à Washington et de 162 % à New York, selon l’écologue. «Nous vivons dans une mer infinie de rats», illustre Niamh Quinn, conseillère en interactions humains - faune sauvage au département d’agriculture de l’université de Californie, qui n’a pas participé à l’étude. Selon l’article de Science Advances, environ 40 % de l’augmentation globale des observations de rats est liée à la hausse des températures dans les villes.
Plus une ville est peuplée, plus les rongeurs y prospèrent
Les chercheurs ont également constaté que plus une ville est densément peuplée et moins elle possède d’espaces verts, plus les rats y prospèrent. Leur étude établit un lien inédit entre le changement climatique et les populations de rats, commente de son côté Kaylee Byers, spécialiste des rats des villes à l’université Simon Fraser, au Canada (qui n’a pas non plus participé à la recherche). «C’est une question que nous nous posons depuis un certain temps», note-t-elle. L’étude est «la première du genre», fait-elle valoir, ajoutant que davantage d’expériences de laboratoire sont nécessaires sur la physiologie des rongeurs pour voir comment ceux-ci réagissent aux changements de température.
Bien sûr, la hausse du thermomètre n’est pas la seule cause de la prolifération des rats. Les rongeurs prolifèrent dans les zones urbaines où la gestion des déchets laisse à désirer, où les sacs-poubelle éventrés et les bennes à ordures ouvertes offrent un festin quotidien. Mais certaines cités redoublent d’efforts pour mettre fin à ce «buffet à volonté». Washington a ainsi créé une «académie du rat» pour former les gestionnaires de copropriétés et les dératiseurs privés à repérer les infestations et à s’y attaquer. En parallèle, des groupes de propriétaires de chiens terriers ont, en dehors de tout cadre structuré, pris l’initiative de lancer leurs animaux à la chasse aux rats. A New York, la municipalité a engagé un «Monsieur Rats» pour piloter un plan pour s’assurer que les déchets finissent bien dans les poubelles, hors de portée des rongeurs. Cependant les spécialistes estiment que tout cela n’est pas suffisant. Les rongeurs sont en train de gagner la «guerre contre les rats» qui leur est livrée, et il est même difficile de déterminer l’ampleur du fléau, recenser un animal nocturne qui se cache dans les égouts et ruelles n’étant pas chose aisée.
«Une approximation assez fidèle»
«Pratiquement aucune ville ne recueille de données sur les populations de rats, relève Niamh Quinn, la spécialiste de l’université de Californie. La plupart des villes américaines sont dépourvues de plan municipal de lutte contre eux.» Ce manque d’informations oblige des chercheurs comme l’écologue Jonathan Richardson à utiliser le nombre de plaintes déposées auprès des responsables de la salubrité publique comme un indicateur pour estimer la taille des populations de rats. Cela constitue toutefois, selon lui, «une approximation assez fidèle». «Il s’agit des meilleures données dont on dispose», appuie Kaylee Byers, de l’université canadienne Simon Fraser.
Les températures étant vouées à poursuivre leur hausse, aggravant ainsi la prolifération des rats, les résultats de cette étude soulignent la nécessité pour les collectivités locales de ne plus se contenter d’empoisonner les rats, mais d’éliminer les déchets alimentaires et débris qui leur fournissent nourriture et abri, conclut Jonathan Richardson. «Comprendre que le réchauffement climatique peut entraîner une augmentation globale du nombre de rats n’est pas une bonne nouvelle, admet-il, mais identifier à l’avance les défis à venir nous peut aider à freiner cette évolution.»
Article original de Dino Grandoni publié le 31 janvier 2025 dans le «Washington Post»
Cet article publié dans le «Washington Post» a été sélectionné par «Libération». Il a été traduit avec l’aide d’outils d’intelligence artificielle, sous la supervision de nos journalistes, puis édité par la rédaction.