La dengue et le chikungunya pourraient devenir endémiques en Europe. Et la principale cause est le réchauffement climatique, qui favorise la propagation du moustique tigre – vecteur de ces maladies –, à laquelle s’ajoutent l’urbanisation et les déplacements, alerte une étude publiée dans la revue Lancet Planetary Health ce jeudi 15 mai.
Actuellement, 4 milliards de personnes dans 129 pays sont exposées au risque de contracter la dengue ou le chikungunya. Deux maladies surtout présentes jusqu’alors dans les pays tropicaux et subtropicaux et dont les principaux vecteurs sont «Aedes aegypti», le moustique de la fièvre jaune, et «Aedes albopictus», le moustique tigre asiatique.
L’extension vers le nord de la zone de présence du moustique tigre est favorisée par le réchauffement climatique : plus il fait chaud, plus son cycle de développement se raccourcit, tandis que la vitesse de multiplication du virus dans l’insecte augmente sous l’effet de la température.
L’étude publiée ce 15 mai analyse, pour la première fois, les liens entre le risque d’épidémies de dengue et de chikungunya en Europe et de nombreux facteurs, tels que le climat, l’environnement, les conditions de vie socio-économiques, la démographie ainsi que les données entomologiques, sur trente-cinq ans.
Reportage
Par ailleurs, financé par le programme européen Horizon pour la recherche et l’innovation, ce travail exploite des données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et de l’Organisation mondiale de la santé et les publications sur la présence du moustique tigre en Europe, de son arrivée en 1990 jusqu’en 2024.
Si le premier foyer de maladie a mis plus de vingt-cinq ans à apparaître en Europe, la fréquence et l’ampleur des épidémies de dengue et de chikungunya n’ont fait qu’augmenter depuis 2010.
En effet, sur la seule année 2024, 304 cas de dengue ont été répertoriés, alors qu’on en recensait 275 sur l’ensemble de ces quinze dernières années. Et des foyers autochtones ont été identifiés dans quatre pays : l’Italie, la Croatie, la France et l’Espagne.
La quasi-totalité des cas (95 %) sont survenus entre juillet et septembre, et les trois quarts étaient localisés dans des zones urbaines ou semi-urbaines, le quart restant dans des zones rurales.
Expérimentation
Désormais, dans les zones où le moustique tigre s’est établi, il peut ne s’écouler qu’une année entre deux explosions de cas de dengue ou de chikungunya, «probablement en raison de l’évolution des conditions climatiques». Cette récurrence est également «renforcée par la fréquence des déplacements humains», montrent ces travaux.
L’étude note que les zones où les dépenses de santé par habitant sont plus élevées sont aussi celles où un risque accru d’épidémie a été relevé. Cela démontre que les cas sont mieux détectés là où la surveillance a été renforcée – et a contrario, une sous-détection dans les zones moins prospères.
Risque cinq fois supérieur en 2060
Autre point dans cette étude : chaque hausse de la température estivale d’un degré augmente le risque d’épidémie. Ainsi, les étés aux températures très élevées l’«amplifient considérablement». Ces tendances suggèrent alors que «la température reste un facteur important des risques d’épidémies futures, en particulier dans des conditions de scénarios climatiques extrêmes», et que «dans toute l’UE, ces maladies tendent à devenir endémiques».
Selon les projections de l’étude, dans les années 2060, le risque d’épidémie pourrait être cinq fois plus élevé que sur la période 1990-2024. Cela plaide pour la nécessité de mieux protéger les populations contre ces maladies, notamment par la surveillance des cas importés, et d’établir des systèmes d’alerte.
Néanmoins, cette étude présente certaines limites, avertissent ses auteurs. D’une part, la circulation de ces maladies transmises par les moustiques dans les zones où elles ne sont pas endémiques pourrait être sous-estimée, car les cas, souvent asymptomatiques, n’y sont pas enregistrés.
En outre, la surveillance varie d’une région ou d’un pays à l’autre, ce qui pourrait conduire à surestimer la prévalence de ces maladies par exemple en France, où ce suivi est renforcé comparé à d’autres pays.