Un hanami plus court ? La coutume japonaise ancestrale, qui consiste à apprécier la beauté des cerisiers japonais en fleurs à l’entrée du printemps, est, elle aussi, victime du réchauffement climatique. A mesure que les températures mondiales se réchauffent, notamment en hiver, les sakuras, ces arbres emblématiques du Japon, fleurissent plus tôt et moins longtemps. Depuis 1953, l’éclosion des boutons a avancé d’1,2 jour par décennie, a précisé au média économique américain Bloomberg Daisuke Sasano, responsable de la gestion des risques climatiques à l’Agence météorologique japonaise. Un événement non sans conséquence sur l’économie du pays, dont certaines villes capitalisent en masse sur le tourisme lié à la floraison des cerisiers.
«La floraison du cerisier japonais est estimée au 25 mars 2024, soit la + (sic) précoce depuis 1 212 ans», écrivait sur X l’agroclimatologue Serge Zaka le 2 février. En cause, «la douceur printanière». «En 1 200 ans, il n’y a eu que 8 floraisons en mars (une fois tous les 150 ans). Depuis 2020, c’est tous les ans», affirme le chercheur qui s’appuie sur un graphique regroupant les données sur la floraison des cerisiers de Kyoto tenues par les Japonais depuis… l’an 812. En 2021, le pic de record de la pleine floraison des cerisiers japonais avait déjà été atteint le 26 mars. «C’est indéniable : le changement climatique est une réalité», avance Serge Zaka.
La floraison du cerisier japonais est estimée au 25 mars 2024, soit la + précoce depuis 1212 ans.
— Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) (@SergeZaka) February 2, 2024
La douceur printanière avance la floraison. En 1200ans, il n'y a eu que 8 floraisons en mars (une fois chaque 150ans). Depuis 2020, c'est tous les ans. C'est indéniable : le… pic.twitter.com/uBaC1Tret1
Qui dit floraison plus précoce dit altération du cycle des plantes. Pour bien grandir et s’épanouir, les cerisiers japonais, tout comme les autres arbres, ont besoin d’un nombre minimum «d’heures de froid» durant leur repos hivernal. Sans ce refroidissement, la bonne croissance des bourgeons et leur éclosion sont sévèrement touchées. En plus d’une hausse de la chute des fleurs, leur production est amenée à devenir de plus en plus modeste, sur un temps plus restreint.
La floraison des cerisiers a rapporté plus de 4 milliards d’euros en 2023
Sauf que des millions de personnes du monde entier se rendent au Japon au printemps, spécifiquement pour observer un tel spectacle. A l’Office national du tourisme japonais, la directrice du développement touristique, Amicie d’Avout, confirme à Libération que le printemps est «clairement la première saison demandée» par les voyageurs curieux de découvrir le pays. «Les cerisiers en fleurs, c’est la première chose à laquelle les gens pensent lorsqu’ils préparent leur voyage», assure-t-elle.
«Le temps disponible pour profiter des cerisiers en fleurs», qui devient «plus court […] pourrait avoir des retombées sur les destinations touristiques» où les sakuras engendrent des bénéfices économiques, prévient ainsi Daisuke Sasano. Une étude de l’université du Kansai, à Osaka, estime que la floraison des cerisiers a rapporté plus de 4 milliards d’euros en 2023 au pays, sur les 33 milliards d’euros qu’a rapporté le tourisme au Japon en 2023, selon l’Agence de tourisme japonaise. Une part non négligeable donc, pour ce pays tout de même de plus en plus attractif : rien qu’en décembre 2023, le Japon a accueilli 2,73 millions de voyageurs, un record. «Le Japon est extrêmement tendance», approuve Amicie d’Avout, qui rappelle que toutes les saisons sont bonnes pour visiter le pays.