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Libération
Ailes coupées

Réchauffement climatique : un scientifique en rébellion refuse de prendre l’avion, son institut le licencie

Gianluca Grimalda, scientifique et militant écologiste italien en mission en Papouasie-Nouvelle-Guinée dénonce avoir été licencié par son employeur allemand en raison de son refus répété de rentrer en Europe en avion, au nom de la protection du climat.
Entrée de l'aéroport de la région autonome de Bougainville, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en 2009. (Eric Lafforgue /Hans Lucas via AFP)
publié le 13 octobre 2023 à 17h28

Et de deux. Le chercheur Gianluca Grimalda est le deuxième membre du collectif Scientific Rebellion (SR) licencié par son employeur. Le scientifique italien a reçu le 11 octobre une lettre de son employeur, l’Institut pour l’économie mondiale (IfW) de Kiel (nord de l’Allemagne), stipulant que leur «relation de travail était terminée». Aucun motif n’est spécifié dans ce courrier.

Quelques jours plus tôt, le scientifique, spécialiste en psychologie sociale, avait reçu un ultimatum de son employeur lui intimant de «rentrer en avion» de Papouasie-Nouvelle-Guinée, sous peine de licenciement, ce qu’il avait refusé. «Avec un seul trajet en avion, j’aurais dégagé autant de CO2 qu’une personne en moyenne sur un an. C’est absolument inenvisageable pour moi», explique-t-il. Son terrain de recherche se situe sur l’île Bougainville. L’homme de 51 ans vient de passer six mois à étudier les effets sociaux du changement climatique dans cet état insulaire de l’océan Pacifique.

Militant écologiste membre du collectif Scientist Rebellion, il avait déjà décidé de ne prendre pour son voyage aller, en février, que «le train, le car et le bateau» sur les deux tiers du parcours, soit 16 000 km sur 22 000 km au total à partir de l’Allemagne. Pour son retour, le chercheur voulait faire de même, avec une arrivée à Kiel, en accord selon lui avec son employeur, prévue au 10 septembre.

Le chercheur fait valoir son «anxiété climatique»

Mais ses travaux ont pris du retard. Le chercheur dit notamment avoir été victime d’une prise d’otage fomentée par d’anciens combattants indépendantistes, tandis que l’éruption d’un volcan a entraîné l’annulation d’un déplacement. L’institut IfW Kiel lui a alors demandé de revenir au 2 octobre, toujours par lettre, un délai aujourd’hui dépassé. Le scientifique déclare souffrir d’«anxiété climatique», confirmée, selon ses dires, par un médecin local. «Si je prends l’avion, je risque de faire une crise de panique», déclare-t-il.

Avant lui, au tout début de l’année 2023, la géologue américaine Rose Abramoff, elle aussi membre de SR, avait aussi perdu son emploi en raison de son activisme. Le laboratoire national d’Oak Ridge, aux Etats-Unis, lui a reproché d’avoir interrompu un congrès avec la pancarte «Out of the lab & into the streets» («Sortez du labo et allez dans la rue»). Le mouvement scientifique en rébellion est aussi présent en France. Né d’un appel de 1 000 chercheurs publié par le Monde en 2020, il multiplie les actions de désobéissance civile en blouse blanche et en brandissant des articles scientifiques, devant le siège de Dassault Aviation, dans le Jardin des plantes à Paris ou encore sur le port du Havre. Plusieurs d’entre eux contestent devant la justice les amendes reçues dans le cadre de leurs actions de désobéissance civile.

«Ce qui se passe actuellement avec le climat est effrayant, et va très vite», commente Gianluca Grimalda. Il déclare vouloir, une fois rentré en Allemagne, contester ce licenciement devant la justice, en invoquant des raisons de santé mentale. Il ne regrette pas du tout sa décision puisqu’il a écrit une tribune dans le journal britannique le Guardian intitulée «Refusing to fly has lost me my job as a climate researcher. It’s a price worth paying» (En refusant de prendre l’avion, j’ai perdu mon emploi de chercheur en climatologie. Un prix qui vaut la peine d’être payé, ndlr). L’institut déclare de son côté ne pas «commenter publiquement des questions internes liées au personnel» afin de «protéger la vie privée des employés».