Menu
Libération
Adaptation

Réchauffement : un pic à 50°C est «possible» à Paris dès 2049

Dans une étude publiée mercredi, des chercheurs français estiment que la capitale pourrait franchir cette barre avant le mitan du siècle, dans le pire des scénarios climatiques. Une perspective qui peut encore être évitée.
Sous les brumisateurs à Paris le 30 juillet, pendant les Jeux olympiques. (Adnan Farzat/NurPhoto.AFP)
publié le 27 septembre 2024 à 6h48

«Un pic de chaleur à 50°C à Paris peut survenir à partir de la moitié du siècle. Nous-mêmes, auteurs de cette étude, risquons de le vivre dans notre chair», avertit Pascal Yiou. Ce chercheur à l’Institut Pierre-Simon Laplace a coécrit, avec cinq autres spécialistes français des événements extrêmes et à la demande de la ville de Paris, une étude publiée mercredi 25 septembre dans la revue scientifique Climate Services.

Si la capitale se prépare depuis quelques années à l’éventualité de subir un jour une telle fournaise à cause du changement climatique, il restait à établir si cet événement allait advenir plus ou moins tôt dans le siècle. C’est ce que vient préciser le travail des scientifiques ; ils ont calculé la probabilité d’occurrence d’un pic à 50 °C en fonction des différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre que l’humanité pourrait suivre.

Résultat : l’horizon pourrait ne pas être si lointain. «Dès que l’on dépasse 2 °C de réchauffement global, on entre dans le domaine du dangereux» pour les Parisiens, explique Pascal Yiou. Si les émissions planétaires dues aux activités humaines s’envolent au plus haut niveau (le pire des cas), il serait ainsi «possible» d’avoir pour la première fois 50 °C degrés à Paris dès 2049, soit dans vingt-cinq ans. Si la trajectoire actuelle se poursuit ou s’infléchit un peu, cela pourrait survenir à partir des années 2070. En revanche, si de gros efforts sont fournis pour stabiliser le réchauffement sous les 2°C, ce type d’événement pourrait ne jamais se produire dans la capitale française. «On peut l’éviter, souligne Pascal Yiou. Pour moi, c’est un message très important.»

Anticiper les 50 °C aussi dans le Sud

Il est donc encore possible d’échapper à des souffrances supplémentaires. Car «l’atteinte d’une température de surface de 50 °C dans une région densément peuplée comme Paris aurait des effets dévastateurs», avertissent les auteurs. D’autres villes proches, telles qu’Amiens (Somme), pourraient également être touchées lors d’un tel épisode. Ce pic, qui serait bref, s’accompagnerait également de nuits dits «tropicales» (qui ne descendent pas sous les 20 °C). Un phénomène de plus en plus courant en France sous l’effet du changement climatique, et très néfaste : il empêche les corps de récupérer pendant les canicules et peut entraîner une surmortalité.

«L’Europe occidentale se réchauffe plus rapidement que le reste du monde et la température a déjà atteint 48,8 °C en Sicile (sud de l’Italie) en août 2023», pointent également les chercheurs. Pour l’heure, le record enregistré dans la capitale française date de 2019, avec 42,6 °C enregistrés à Paris-Montsouris. La ville a tendance à surchauffer en raison de l’effet «îlot de chaleur urbain» généré par une forte densité de population et par la bétonisation, surtout dans l’est de la métropole.

Si le cas de Paris fait l’objet d’une attention particulière en raison des millions de personnes qui y vivent, il pourrait être intéressant de réaliser le même exercice de modélisation climatique pour d’autres villes plus au Sud. «Il est fort probable que Toulouse, Marseille, Perpignan, Bordeaux atteignent les 50 °C bien avant Paris», prévient notamment Pascal Yiou. Déjà en 2017, un travail prospectif de chercheurs français avait établi qu’à l’horizon 2100, les températures maximales pourraient dépasser de 6 °C à 13 °C les records historiques établis depuis le milieu du XXe siècle. «Ces résultats indiquent que les valeurs maximales en France pourraient facilement dépasser 50 °C à la fin du XXIe siècle», écrivaient-ils.

S’adapter «dès maintenant»

Il y a un an, la ville de Paris a organisé un exercice «grandeur nature» pour imaginer toutes les perturbations possiblement générées par des températures extrêmes dans la capitale. Mise à l’abri des habitants dans des pièces fraîches, acheminement des secours malgré la fonte de l’asphalte et la déformation des rails des transports en commun, radios amateur mobilisées en cas de coupures téléphoniques… La mairie est en train de mettre sur pied une gestion de crise adaptée à une situation jamais vue. «Un pic à 50 °C tel que celui vécu au Canada en 2021 est possible à l’avenir à Paris, disait Emmanuel Grégoire, alors premier adjoint d’Anne Hidalgo en charge de l’urbanisme. Il faut être prêts le jour où cela arrivera.»

Durant cet exercice, une date encore plus précoce que celle avancée mercredi par les chercheurs français avait été avancée : 2032. La preuve que la municipalité cherche à se préparer à courte échéance. Elle tente également de s’adapter en végétalisant et en rendant les bâtiments moins vulnérables à la chaleur. En mai 2023, une mission d’information pionnière nommée «Paris à 50 °C» avait sommé l’exécutif de la capitale de mener des transformations en profondeur pour que la ville reste vivable. «Les mesures d’adaptation prendront du temps pour être efficaces», rappellent en écho ce mercredi les auteurs de l’étude, qui invitent à se préparer «dès maintenant».