Le retour à une situation très favorable sur une large partie de la France ferait presque oublier que certains territoires continuent à souffrir du manque d’eau. Début août, 70 % des nappes affichaient un niveau au-dessus des normales mensuelles, a annoncé ce mercredi 4 août le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans son bulletin mensuel. «C’est le deuxième mois de juillet avec les niveaux les plus hauts pour les nappes depuis trente ans», a souligné lors d’un point presse Violaine Bault, hydrogéologue de l’organisme public. La sécheresse de 2022 et 2023 s’est ainsi résorbée presque partout en France grâce à des pluies soutenues durant les six premiers mois de 2024. Cependant, dans 17 % des cas, les nappes restent sous les normales, voire très basses pour 5 % d’entre elles. Car contrairement au reste de la métropole, des zones n’ont pas été assez arrosées ce printemps pour que l’eau regagne les profondeurs et reconstitue les stocks souterrains.
«La recharge a été très déficitaire sur le Roussillon, l’Aude, l’Hérault, le Cap Corse et l’est de la Corse», explique Violaine Bault. Le BRGM note que «la situation devra être particulièrement surveillée» localement dans les mois qui viennent car les nappes devraient continuer à baisser à cause de la chaleur et de la «pression touristique».
Recharge des réserves de plus en plus tardive
Les Pyrénées-Orientales restent les plus affectées. «Sur la plaine du Roussillon [qui se situe dans ce département, ndlr], ça fait deux ans et demi que les pluies sont très déficitaires, et depuis mai la situation continue à se dégrader mois après mois, avec l’atteinte de minimas historiques», précise Violaine Bault. Il faudra peut-être attendre encore de longs mois avant le retour des pluies durables qui feront enfin remonter les niveaux. Météo France prévoit que les trois prochains mois seront plus secs que la normale dans le tiers le plus au sud de l’Hexagone.
Par ailleurs, Violaine Bault fait remarquer que la recharge des réserves souterraines est de plus en plus tardive : «Avant, les niveaux des nappes commençaient à remonter fin septembre ou début octobre, or ces dernières années ça se décale à mi ou fin octobre. Il faut donc conserver suffisamment d’eau jusque-là pour les cours d’eau et notre alimentation.»
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En attendant, la presque totalité des Pyrénées-Orientales est en situation de «crise», le niveau le plus haut des restrictions d’eau décidées par les préfets pour préserver l’eau potable. L’Aude, ainsi qu’une partie plus réduite de l’Hérault, sont désormais dans le même cas. Hormis les Alpes-Maritimes, dont le niveau des nappes est actuellement dans la normale, le reste des départements de l’arc méditerranéen et de la Corse est placé par endroits en «alerte» ou «alerte renforcée», des niveaux de restrictions qui prévoient – à un niveau moindre qu’en «crise» – des restrictions d’arrosage, de remplissage des piscines, de lavage des véhicules et d’irrigation. Ailleurs en France, l’Ardèche est presque totalement en «alerte renforcée», ce qui est aussi le cas de petits bouts de l’Ain, de l’Indre, tandis que le sud de la Charente et le sud-ouest du Loiret sont en «crise». Au total, onze départements sont actuellement concernés par des restrictions, contre plus de cinquante à la même période en 2023.
Coupures d’eau
Dans le sud de la France, de petits villages aux ressources fragiles sont en difficulté, malgré les mesures de sobriété imposées par les préfets. Dans l’Aude, le maire de Durban-Corbières (environ 650 habitants à l’année et 1 000 l’été) doit couper l’eau des habitants pendant une partie de la journée depuis le 15 juillet malgré un ravitaillement par camion-citerne du château d’eau à sec. Actuellement, pas une goutte d’eau ne coule des robinets de cette commune de 14 heures à 6 heures du matin. En Haute-Corse, Pietra-di-Verde connaît une situation similaire depuis le 18 juillet, avec des coupures d’environ quinze heures par jour, rapporte l’antenne locale de France 3. Dans ce même département, la sécheresse également présente en surface favorise aussi l’expansion des incendies : un important départ de feu a été signalé à Oletta ce mercredi.
Dans les Alpes-Maritimes, où des villages avaient dû rationner l’eau en 2022, le préfet, Hugues Moutouh, a durci le ton en juillet malgré une situation bien plus favorable cette année pour les nappes. «L’urbanisation du territoire ne sera possible qu’à condition que celle-ci ne menace pas les ressources en eau, et ce dans la durée», a-t-il précisé le 22 juillet dans un document officiel. Cela devrait avoir pour effet de restreindre les permis de construire dans un département où le débit des cours d’eau devrait baisser de 30 % d’ici 2050.