Malgré la pluie printanière, l’Hexagone est loin d’être tiré d’affaire. Il est «très probable» que, «d’ici la fin de l’été», la sécheresse affecte le Sud-Est, le couloir rhodanien, l’arc méditerranéen, presque tous les départements de la chaîne des Pyrénées et le bassin parisien, a prévenu mercredi le ministère de la Transition écologique. Les Deux-Sèvres et la Vienne, où la bataille des mégabassines fait rage, présentent également ce niveau de risque très élevé. Au total, 28 départements sont fortement menacés, contre 22 l’an dernier à la même époque. Dans 42 autres, compris dans une large bande allant du Sud-Ouest au Nord, la sécheresse est considérée comme «probable», avec un niveau de risque légèrement inférieur. Enfin, dans le reste de l’Hexagone, à savoir la Bretagne et l’Est, elle est jugée «possible».
Présentée mercredi par le ministère de la Transition écologique, cette nouvelle carte vise à alerter et surtout à se préparer à une éventuelle sécheresse estivale, alors que dans certains départements, tels que les Pyrénées-Orientales, le manque d’eau est déjà historique. Elle a été établie à partir de projections mêlant plusieurs données : pluviométrie, état des sols, des nappes et des cours d’eau. En 2022, les projections faites au printemps avaient été trop optimistes, avant un été de sécheresse alors également historique et généralisée.
Une situation critique en Ile-de-France
Météo France prévoit que les mois de mai, juin et juillet seront plus chauds que la normale, ce qui devrait accentuer l’évaporation et les besoins en eau. Et ce, alors que les nappes souterraines ne sont pas assez remplies. Malgré les pluies récentes qui ont permis d’en recharger certaines parmi les plus réactives, notamment en Bretagne, «la situation demeure peu satisfaisante sur une grande partie du pays», a insisté mercredi le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Et l’établissement public de préciser qu’au 1er mai, 68 % des stocks souterrains de l’Hexagone ont des niveaux plus bas que la normale, contre 75 % il y a un mois. L’an dernier, les craintes étaient déjà sérieuses puisque 58 % connaissaient un déficit. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est inquiété des niveaux «critiques» enregistrés dans le Sud-Est, le sud du bassin parisien et le couloir rhodanien. «Malgré ce que les Parisiens ont pu ressentir, nous n’avons pas rattrapé le déficit de la sécheresse hivernale» en Ile-de-France, où le niveau des nappes reste inférieur à la normale, a-t-il ajouté.
💧 État des nappes d’eau souterraine au 1er mai 2023
— BRGM (@BRGM_fr) May 17, 2023
Que retenir ?
1️⃣Les pluies de mars et avril ont rechargé les nappes réactives à peu inertielles des secteurs arrosés
2️⃣La situation s’améliore considérablement sur le Massif armoricain, le littoral de la Manche et le Grand-Est pic.twitter.com/7Lo3PAr7Av
Les nappes du Roussillon, de Provence et de la Côte d’Azur, en particulier, sont dans le rouge. Situées en profondeur, les nappes dites «pliocènes» dans les Pyrénées-Orientales, dont le niveau est bas, sont menacées par une possible intrusion d’eau de mer, ce qui saliniserait ces stocks d’eau potable pour des siècles.
En conséquence, les arrêtés de restriction d’usage de l’eau continuent de pleuvoir. Selon le site Propluvia, mi-mai, une vingtaine de départements ont déjà mis en place des limitations, cinq de plus que l’an dernier à la même date. Parmi eux, cinq départements sont soumis à des arrêtés dits de crise, le niveau maximal du bouclier anti-sécheresse : la majorité du territoire des Pyrénées-Orientales, des parties du Var, du Gard, des Bouches-du-Rhône, et plus récemment du Loiret. Ces derniers jours, certaines zones du Vaucluse et de l’Hérault sont passées au niveau d’alerte renforcée, déjà en vigueur plus au nord dans l’Oise, les Yvelines et l’Ain.
De nouvelles consignes données aux préfets
Pour harmoniser davantage les décisions des préfets, le ministère de la Transition écologique a aussi mis à jour les consignes nationales détaillées dans son guide sécheresse, dont une première version avait été publiée en juin 2021. A chacun des quatre niveaux d’arrêté (vigilance, alerte, alerte renforcée, crise), des mesures minimales doivent s’appliquer pour faire baisser la pression sur les ressources hydriques. «C’est un socle de restrictions qui peut systématiquement être durci en fonction de la situation locale», a indiqué Christophe Béchu. Le guide précise que les représentants de l’Etat auront cinq jours maximum pour publier leurs arrêtés quand la situation exigera des décisions supplémentaires. Pendant l’été 2022, des délais de quinze jours avaient parfois été constatés.
Christophe Béchu a par ailleurs «durci un certain nombre de points» du guide, notamment après la polémique à propos des golfs. Les greens pourront continuer d’être arrosés en situation de crise, mais à condition de réaliser 80 % d’économies d’eau. Côté espaces verts, des exceptions pourront être accordées pour éviter la mort des jeunes arbres. Pour les pelouses sportives, en niveau de crise, «les terrains à enjeu national ou international» pourront bénéficier d’un arrosage, mais il sera «réduit de manière significative et interdit entre 9 heures et 20 heures». Christophe Béchu a par ailleurs affirmé que les dérogations accordées à certains usagers de l’eau (industriels, agriculteurs, professionnels du tourisme, etc.) seraient obligatoirement publiées pour plus de «transparence». En 2022, cela n’avait pas systématiquement été le cas et une dérogation à un club de football était par exemple restée secrète.
La priorité du gouvernement reste de sécuriser l’accès à l’eau potable. Sans dévoiler de liste précise, le ministre a souligné que 2 000 communes étaient «fragiles» de ce point de vue et que «des centaines» pourraient avoir des problèmes cet été. De son côté, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Bérangère Couillard, a ajouté que près de 400 opérations de travaux avaient été entreprises pour pallier ce risque. Malgré tout, bien que nous ne soyons qu’à la mi-mai, «nous avons aujourd’hui des communes qui sont alimentées par citernes ou par bouteilles, en particulier dans les Pyrénées-Orientales et dans certains autres départements, pour des petites quantités», a indiqué Christophe Béchu.
L’autre risque de l’été est celui des feux de forêt. Mercredi, la préfecture de la zone de défense Ouest a annoncé que les services d’incendie et de secours (Sdis) des 20 départements de la zone allaient acquérir, avec l’aide de l’Etat, près de 200 engins supplémentaires. L’an dernier, même la Bretagne n’avait pas été épargnée, preuve que tout le territoire devient plus vulnérable face aux flammes à cause du changement climatique.