Une répercussion de plus du changement climatique menace directement les intérêts économiques internationaux. Le manque d’eau provoqué par la sécheresse met en danger le trafic maritime dans le canal de Panamá, passage obligé pour 6 % du trafic maritime mondial entre les océans Atlantique et Pacifique. La situation est si préoccupante que l’Autorité du canal de Panamá (ACP) a dû limiter l’accès à la voie interocéanique.
Alajuela et Gatún sont les deux lacs artificiels qui fournissent le canal en eau, nécessaire au fonctionnement des écluses. Ces dernières années, leur niveau a drastiquement baissé en raison de la sécheresse qui frappe le bassin hydrographique de la région. Déjà, en 2019, le canal ne disposait plus que de 3 milliards de mètres cubes d’eau douce alors qu’il lui en faut un peu plus de 5,2 milliards pour fonctionner. Cette année, la sécheresse n’a fait qu’aggraver ce déficit.
«L’absence de pluies touche d’abord nos réserves d’eau», détaille Erick Córdoba, le directeur en charge de l’eau à l’ACP. En conséquence, les navires de classe «Post-Panamax» (les plus gros transporteurs) ne peuvent plus passer, précise-t-il. Car à chaque passage de navire, ce sont environ 200 millions de litres d’eau douce qui sont déversés dans la mer. Le canal de Panamá fonctionne grâce à d’énormes écluses qui, côté Pacifique comme côté Atlantique, hissent les navires jusqu’au niveau du canal ou les font descendre à celui des océans. L’année dernière, plus de 14 000 embarcations transportant un total de 518 millions de tonnes de cargaison y sont passées.
L’administrateur, Ricaurte Vásquez, a reconnu que le manque d’eau était la principale menace pour le trafic par la voie transocéanique. La situation est critique et inquiète. Un constat que nuance Luz de Calzadilla, directrice de l’Institut météorologique de Panamá : certes le canal a souffert d’un «déficit de précipitations comme le reste du pays, mais dans les limites normales d’une saison sèche» tropicale. Elle met en garde face au phénomène climatique El Niño qui risque de toucher le Panamá durant la seconde moitié de l’année, entraînant une baisse de la pluviométrie. «L’administration du canal fait des miracles afin de maintenir l’activité commerciale tout en faisant face à sa responsabilité sociale qui est de fournir de l’eau potable pour la consommation humaine», remarque-t-elle.
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Mais face au réchauffement climatique, les miracles ne suffisent plus. Le bassin hydrographique du canal fournit également de l’eau douce à plus de la moitié des 4,3 millions d’habitants du Panamá. Des manifestations ont éclaté et la crainte d’une guerre de l’eau dans la région est palpable. «Nous ne voulons pas en arriver à un conflit philosophique entre l’eau pour les Panaméens et l’eau pour le commerce international», avertit Ricaurte Vásquez. De leur côté, les autorités cherchent d’ores et déjà de nouvelles sources d’eau, par peur que les armateurs ne se tournent vers d’autres voies maritimes en raison des incertitudes qui planent sur la possibilité de passer par le canal. Ou comment rater le coche dans la lutte contre la sécheresse.