La part des lignes blanches créées par les avions dans le ciel dans le réchauffement planétaire pourrait être réduite en changeant certains plans de vol, confirme une analyse publiée ce mercredi 13 novembre par une ONG européenne. «En modifiant légèrement les trajectoires de vols d’une petite partie de la flotte mondiale, l’impact climatique des traînées de condensation pourrait être réduit de moitié avant 2040», indique cette évaluation réalisée par Transport & Environnement. L’association chiffre le coût de cette mesure à «au maximum 4 euros par passager pour un vol transatlantique».
Le rapport propose des «stratégies d’évitement» afin d’empêcher la création des traînées de condensation (souvent nommées de leur appellation anglaise, «contrails») «qui durent pendant plusieurs heures» et «ont un effet réchauffant, plutôt la nuit, quand elles empêchent les rayonnements terrestres de s’échapper vers l’espace», détaille auprès de l’AFP Jérôme du Boucher, responsable aviation de l’organisme. Concrètement, un pilote devrait adapter son plan de vol pour passer «soit un peu au-dessus, soit un peu en dessous d’une masse d’air atmosphérique qui a été identifiée par des modèles météorologiques», en sachant que des masses d’air plus humides et plus froides sont favorables à la création de ces traînées de condensation, selon cet expert.
Une petite partie des trajets concernée
Le document indique que seulement 3 % des vols génèrent 80 % du réchauffement lié à ces traînées. Les changements de trajectoire réclamée par l’ONG n’interviendraient donc que sur un nombre restreint de trajets et durant une petite partie du parcours seulement. Le surplus de carburant utilisé par les avions ne représenterait que 0,5 % du kérosène consommé par l’ensemble de la flotte mondiale en une année.
Le sujet de la modification de trajectoire d’une fraction des vols est déjà à l’étude chez Air France, comme le rapportait l’AFP fin septembre. Dans cette compagnie, 4 % des vols sont responsables de 80 % de l’impact des traînées sur le réchauffement, soulignait Irène Boyer-Souchet, en charge du dossier chez Air France. Plus de 3 000 observations ont été faites par des pilotes maison pendant un an et demi, dans le but d’aider Météo France à améliorer ses prévisions des zones à risque pour qu’elles puissent éventuellement les éviter. Des pilotes de la compagnie American Airlines ont, eux, effectué soixante-dix vols d’essai au-dessus ou en dessous des zones à risque à partir d’images satellites, de données météorologiques, de modèles logiciels et d’outils de prédiction à l’aide de l’intelligence artificielle. Une réduction de 54 % des traînées de condensation a été constatée.
Suie et cristaux de glace
Classées parmi les émissions non-CO2 des avions, les traînées de condensation se formant à haute altitude dans des zones froides et humides appelées régions sursaturées en glace lors de la combustion du kérosène sont de plus en plus étudiées par les scientifiques et par l’industrie. Les particules de suie s’encapsulent dans des cristaux de glace qui forment des lignes blanches se transformant en cirrus, des nuages d’altitude en forme de filaments. Les voiles nuageux piègent une partie de la chaleur qui remonte de la Terre, l’empêchant d’être renvoyée hors de l’atmosphère, et agissent donc comme un gaz à effet de serre en provoquant un réchauffement net.
Selon une étude sur la contribution de l’aviation au changement climatique publiée en 2021 dans la revue scientifique Atmospheric Environment, ces voiles pourraient représenter jusqu’à 57 % de l’impact du secteur sur le réchauffement, soit bien plus que les émissions de CO2 dues à la combustion du carburant. Mais les rejets liés aux lignes blanches ont une durée de vie dans l’atmosphère moindre que ceux dus au dioxyde de carbone et leur effet sur le réchauffement climatique pourrait disparaître rapidement si des solutions étaient trouvées pour les éviter. D’après un rapport de l’université de Cambridge publié en septembre, accélérer le déploiement d’un système mondial contre les traînées de condensation pourrait même faire baisser de 40 % l’impact de l’aviation sur le climat. Ce qui, au vu de la saturation de l’espace aérien, supposerait au préalable de mettre en place un système coordonné au niveau planétaire.