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Libération
Répression

Un rapporteur de l’ONU au chevet des militants opposés à l’A69

Le projet controversé d’autoroute Toulouse-Castres prend de plus en plus une dimension internationale, avec la présence sur le chantier du rapporteur spécial de l’ONU sur la protection des défenseurs de l’environnement, Michel Forst, venu ce jeudi 22 février voir les opposants, quelques jours après l’écologiste suédoise Greta Thunberg.
Michel Forst, rapporteur spécial de l'ONU, discute avec l'un des manifestants qui occupent des arbres pour protester contre le projet d'autoroute A69 reliant Toulouse et la ville de Castres, à Saïx, ce jeudi. (Ed Jones/AFP)
publié le 22 février 2024 à 17h10
(mis à jour le 23 février 2024 à 10h44)

Après l’écologiste suédoise Greta Thunberg, l’ONU s’en mêle. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la protection des défenseurs de l’environnement, Michel Forst, s’inquiète du sort des activistes mobilisés contre le projet d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Il est arrivé ce jeudi 22 février en début d’après-midi sur la Zone à défendre (ZAD) mise en place par les opposants à Saïx, dans le Tarn.

La veille, les collectifs de lutte contre l’A69 ont déposé une plainte auprès de l’ONU. «La France est signataire de la convention d’Aarhus, dont l’article 9 garantit un droit d’accès à la justice, “via une procédure rapide établie par la loi» en matière d’environnement”, argue les opposants à l’autoroute. «Or, les victimes présumées semblent faire l’objet de graves persécutions de l’État français en raison de leur tentative d’exercer ce droit : enfumage via des incendies volontaires, violences policières, privation de sommeil et siège empêchant tout ravitaillement en nourriture.» Cette plainte a surtout une valeur symbolique : pour être reçue, tous les recours internes et nationaux doivent avoir été épuisés, ce qui n’est pas le cas.

«Observer la situation»

Le projet contesté gagne en visibilité à l’international à cause de la répression qui semble disproportionnée. Le 16 février, Michel Forst avait écrit sur X que «les alertes sur les méthodes de maintien de l’ordre actuellement employées contre les militants pacifiques sur le chantier de l’A69 sont alarmantes. Il est indispensable d’apaiser la situation sur place pour que la démocratie environnementale s’exerce». Six jours plus tôt, la militante écologiste suédoise, Greta Thunberg, était venue apporter son soutien aux militants lors d’une manifestation.

En présence des gendarmes déployés sur place ce jeudi, Michel Forst n’a pas souhaité s’exprimer dans l’immédiat, déclarant aux journalistes et aux militants avoir «besoin de calme et d’espace» et demandant qu’on le «laisse faire (son) travail». Il est ensuite monté à bord d’une nacelle pour aller s’entretenir avec les opposants, baptisés «écureuils», qui campent dans des arbres menacés d’abattage en vue de la poursuite du chantier de la future autoroute.

Un peu plus tôt, son attachée de presse avait précisé à l’AFP qu’il venait «observer la situation et recueillir des informations complémentaires auprès des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et des militants qui sont sur place».

Cinq arbres abattus ce matin

Les forces de l’ordre encerclent la ZAD depuis plusieurs jours et sont accusées par les opposants d’empêcher le ravitaillement des «écureuils», auxquels Michel Forst a apporté un sac de médicaments. Peu avant, un de ces militants avait été contraint de descendre d’un arbre par des gendarmes qui l’ont interpellé.

Atosca, le concessionnaire privé de l’A69 désigné par l’Etat, estime avoir depuis le 15 février le droit de reprendre les coupes d’arbres sur le tracé. Mais pour le collectif d’opposants La Voie est libre, le bois occupé par les zadistes est à «enjeu environnemental fort» et ne peut être défriché qu’entre le 1er septembre et le 15 octobre.

Dans la matinée, au moins cinq arbres ont été abattus. Alors que l’un d’eux tombait, des opposants ont hurlé des slogans hostiles aux forces de l’ordre, du style : «Vous êtes des monstres de la pire espèce !», «Des monstres au service de monstres !» ou «Gendarmerie pourrie !». Les forces de l’ordre ont tenu à distance les journalistes et la vingtaine de manifestants présents.

Lundi, une nacelle avait déjà été amenée sur place et avait permis aux forces de l’ordre de détruire une des plateformes en bois où campent les anti-A69. Mais les «écureuils» se sont repliés sur une autre partie de la zone, à l’aide de cordes pour passer d’un arbre à l’autre.

Rendez-vous à venir avec le préfet du Tarn

De son côté, Michel Forst doit également rencontrer le préfet du Tarn vendredi à Albi, selon son attachée de presse, qui a aussi fait état de «rendez-vous avec les deux avocates Claire Dujardin et Alice Terrasse», qui représentent les anti-A69.

Plusieurs manifestations ont été organisées contre le projet, auquel les opposants ont proposé des alternatives, comme l’amélioration de la route nationale existante ou une meilleure desserte ferroviaire. Atosca argue pour sa part que son projet est «exemplaire» en termes de respect de l’environnement ou de création d’emplois, et que l’emprise sur les terres agricoles a été réduite de 380 à 300 hectares.

Des élus du Tarn, de tous bords politiques, soutiennent la construction de cette portion d’autoroute de 53 km, qui réduirait d’une vingtaine de minutes le trajet Castres-Toulouse, actuellement d’environ 1 h 20. Plus de 1 500 scientifiques ont au contraire appelé à y renoncer en vertu des engagements climatiques de la France. Pour sa part, le gouvernement s’est dit décidé à mener «jusqu’à son terme» le projet, dont la mise en service est prévue en 2025.

Mise à jour le 23/02 : à 10 h 44 avec la plainte déposée auprès de l’ONU.