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Libération
Dérèglement climatique

Une nouvelle alerte sur le niveau des nappes phréatiques et la sécheresse des sols

L'eau, une ressource essentielle et menacéedossier
Les fortes chaleurs et le manque de précipitations en septembre et octobre creusent toujours plus le déficit en eau. Selon les derniers chiffres officiels, 68 % des réserves souterraines ont encore des niveaux anormalement bas.
Un bateau de croisière échoué sur les rives des bassins de Villers-le-Lac, dans le Doubs, le 4 octobre. (ARNAUD FINISTRE/AFP)
publié le 12 octobre 2023 à 16h58

Après deux années consécutives de manque d’eau dans les nappes phréatiques, le retour à la normale n’est toujours pas d’actualité. Ce jeudi 12 octobre, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dévoile que «la situation reste sensible» avec 68 % des nappes présentant encore des niveaux plus bas que la normale à cette saison. Début septembre, ce chiffre était de 62 %. Les stocks continuent donc à se vider. «Les pluies ont été déficitaires en septembre, cela a eu un impact important, pointe Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM. 70 % des niveaux sont en baisse, ils continuent à se dégrader, ce qui n’est pas normal pour la saison.»

Ce constat est inquiétant : l’automne est la saison où les nappes souterraines commencent normalement à se recharger grâce à des pluies plus durables et à des températures fraîches qui limitent l’évaporation en surface. L’humidité gorge alors les sols et gagne les sous-sols. Le phénomène ne s’est pour l’heure pas enclenché cette année. Après un mois de septembre bouillant et record, les deux épisodes successifs de chaleur qui ont marqué le début du mois d’octobre retardent encore la recharge des ressources souterraines. Actuellement, 83 départements sont en situation de sécheresse et une cinquantaine appliquent encore des arrêtés de «crise», le plus haut niveau de restriction d’eau.

Un déficit historique dans le couloir Rhône-Saône

Le BRGM explique que les nappes se rechargent en théorie de mi-septembre à mi-avril. Mais cela est de moins en moins vrai. Le minimum annuel est atteint de plus en plus tardivement dans l’année à cause du déficit de précipitations et de la douceur des températures parfois jusqu’en novembre. Un signe du dérèglement du climat.

Dans le détail, au 1er octobre 2023, la situation était jugée «préoccupante», selon le BRGM, dans le Bassin Parisien, le sud de l’Alsace, le Roussillon et la Côte d’Azur, notamment dans le Var. Cela est aussi le cas dans le couloir Rhône-Saône, où, malgré une diminution des prélèvements, les niveaux n’ont jamais été aussi bas en septembre dans de nombreux secteurs tels la Dombes et la Drôme. Et, s’il continue à ne pas pleuvoir, le Massif central pourrait virer au rouge prochainement. Le BRGM note aussi un risque accru d’intrusion d’eau de mer, donc saline, le long du littoral méditerranéen, «pour les nappes avec des niveaux bas dans la plaine du Roussillon et le Var». La situation est en revanche «satisfaisante» en Bretagne, sur le littoral de l’Artois, dans le Sud-Ouest et en Corse.

Le manque d’eau s’est encore accentué en octobre. Simon Mittelberger, climatologue à Météo France, rappelle que, malgré des averses sur le nord du pays ce jeudi, «depuis le 23 septembre, il n’y a eu quasiment aucune précipitation sur le pays, hormis le 3 octobre. Ce n’est pas inédit mais c’est une période particulièrement longue».

Des sols plus secs qu’en été

Les sols sont donc aussi nettement plus secs que ce qu’ils devraient l’être. «La tendance à cette époque est normalement à l’humidification avec les premières pluies de l’automne alors que là nous observons l’inverse : l’assèchement a démarré fin septembre et continue actuellement», précise Simon Mittelberger. Selon les données de Météo-France, les sols sont actuellement plus arides qu’un mois «normal» d’été et même plus secs que durant cet été 2023. Seul le bassin de la Seine se démarque, avec une humidité des sols légèrement plus élevée que la normale. Dans tout le reste de l’Hexagone, c’est l’aridité, particulièrement marquée dans le Grand-Est, le Centre et l’Occitanie.

A partir de ce week-end, Météo-France prévoit le retour de la pluie sur les deux-tiers nord de la France. La moitié sud sera plus copieusement arrosée la semaine prochaine. «Les précipitations à venir vont permettre d’arrêter l’assèchement à l’œuvre voire commencer à réhumidifier les sols sans pour autant revenir rapidement à une situation normale d’automne», prévient le climatologue de Météo-France. Une fois humides, les sols pourront laisser l’eau regagner les nappes. De son côté, le BRGM anticipe des «difficultés probables à reconstituer les réserves sur les secteurs les plus préoccupants» cet hiver. Dans un communiqué, le ministère de la Transition écologique appelle en conséquence «à la responsabilité des usagers pour maintenir et renforcer les actions de sobriété d’usage de l’eau, y compris pendant la période hivernale, afin de reconstituer les réserves et ne pas hypothéquer les ressources en eau de l’été prochain».