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Adaptation

Vague de chaleur : «Le cerveau perd des facultés de décision au-delà de 30 °C»

La chaleur affecte le corps et l’esprit. Christian Clot, explorateur de l’adaptation aux conditions extrêmes, présente à «Libé» sa nouvelle étude de sciences participatives et prodigue ses conseils pour gérer la canicule.
Un homme se protégeant sous un parasol en pleine canicule, à Hyères, le 29 juillet 2024. (Magali Cohen/Hans Lucas.AFP)
publié le 29 juillet 2024 à 16h39

Trop chaud ? Cela intéresse Christian Clot. L’explorateur et chercheur franco-suisse a fait de l’adaptation aux conditions extrêmes sa spécialité. Son institut lance, en août 2024, un programme de science participative pour recueillir les sensations de 3 000 Français face à la chaleur. L’engagement demandé est assez faible. Il s’agit de répondre à des questionnaires en ligne pendant un mois. L’un court (moins de deux minutes) et quotidien. L’autre plus long et hebdomadaire. A l’heure où une canicule s’installe sur l’Hexagone, Libé a demandé à Christian Clot les raisons de cette étude et ses conseils pour gérer les grandes chaleurs.

Cette étude s’inscrit dans le cadre de notre programme «Heat Adapt» qui nous a aussi conduits à mener des expériences dans des climats extrêmes. Cet été, nous avons trois objectifs de travail avant de nous lancer dans une enquête de plus grande ampleur à l’échelle européenne, l’an prochain. Le premier objectif, c’est de vérifier les connaissances du grand public sur la chaleur, ce qu’elle implique et comment y faire face. Le deuxième, c’est de documenter les effets de la chaleur au-delà de la mortalité. Par exemple, on sait que le cerveau perd des facultés de décision au-delà de 30 °C. Passé ce seuil, il se concentre sur son propre refroidissement et nos capacités en sont altérées. Enfin, on a un axe de travail autour des actions à faire au niveau individuel pour faire face à la chaleur. Beaucoup de personnes semblent penser qu’elles ne peuvent rien faire à leur échelle, mais c’est faux.

Justement, une vague de chaleur intense arrive en France, quels sont vos conseils ?

Déjà, il faut éviter les efforts entre midi et 17 heures. Ce conseil-là est connu mais il est important. Par contre l’idée de prendre une douche froide avant de dormir n’est pas bonne. Le corps n’aime pas du tout faire le yo-yo avec la température. Cela le fatigue énormément. C’est aussi pour cela qu’il ne faut pas régler la climatisation sous les 25 °C. La plupart des coups de chaleur qui amènent des patients à l’hôpital surviennent suite à un effort ou à un changement de température trop brusque. Le mieux c’est de se protéger toute la journée, avec des linges humides, par exemple.

Chez soi, on peut ouvrir les fenêtres la nuit et les fermer le jour, avec des volets ou des rideaux tirés. On peut aussi mettre une bassine d’eau au milieu de la pièce pour créer un peu d’humidité. Un ventilateur dirigé vers la bassine peut augmenter cette sensation de fraîcheur. Il est important de bien boire aussi. Beaucoup de gens boivent mal.

Qu’entendez-vous par mal boire ?

D’une part, on oublie souvent de boire entre les repas. Ensuite boire de l’eau plate ne suffit pas. En effet, en cas de chaleur il faut aider les reins à assimiler l’eau que l’on boit. On peut boire des eaux minérales ou simplement ajouter une petite pincée de sel dans sa carafe une fois par jour. Contrairement à d’autres pays habitués à la chaleur comme l’Inde ou le Mexique, nous n’avons pas d’apprentissage à l’école sur ce qu’il faut faire quand il fait chaud.

Nous ne sommes pas égaux face à la chaleur, qui la gère mieux et qui est plus à risque ?

Il y a d’énormes différences dans la gestion de la chaleur entre les personnes. Déjà, tous les patients atteints d’une pathologie initiale ont plus de difficulté à s’adapter. On parle tout de même de 40 % de la population. Ensuite, les personnes avec un taux de matière grasse trop importante s’adaptent aussi plus difficilement. Mais paradoxalement, les sportifs ne sont pas toujours plus résistants. Parce qu’ils se sentent forts, ils ne vont pas forcément ressentir les premiers effets de la chaleur. Cela va les conduire à trop s’activer, jusqu’au malaise parfois.

On sait aussi que se plaindre de la chaleur accentue son effet. Si on râle, on conscientise la chaleur et le corps va chercher à lutter contre elle. Il s’épuise. Le mieux c’est de rester calme, de réduire son activité, et d’être à l’écoute de son corps. Mais il reste une grande part d’inconnu. C’est pour cela que l’on fait des recherches !