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Incendie

Vent chaud, sécheresse, vignes en friche : pourquoi les feux se propagent si vite dans l’Aude ?

Le gigantesque incendie qui s’est déclaré mardi 5 août dans le département du sud-ouest a marqué les esprits par la vitesse à laquelle il se déploie, engloutissant près de 1 000 hectares de végétation par heure. La faute à une conjonction de facteurs.
A Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans l'Aude, ce jeudi 7 août. (Abdul Saboor/REUTERS)
publié le 7 août 2025 à 16h51

Rarement la France n’avait affronté des feux aussi importants. Si l’incendie, qui a déjà ravagé 17 000 hectares de l’Aude depuis mardi 5 août, est le plus important de l’été, il est aussi «le plus important qu’a connu la France depuis 1949» selon la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. La faute a un mélange de paramètres défavorables concentrés dans ce département d’Occitanie. Bien que le feu ait perdu en intensité dans la nuit de mercredi à jeudi, il n’est toujours pas maîtrisé, alors que plus de 2 100 sapeurs-pompiers et 500 véhicules sont déployés.

Depuis le début de l’été, quatre incendies se sont déclenchés dans l’Aude, frappée par des très fortes chaleurs. Dès le 5 juin, deux feux de broussailles se déclaraient coup sur coup aux abords de Narbonne. Sans surprise, les fortes chaleurs, provoquées par le changement climatique, jouent un rôle prédominent. Mardi, les températures dépassaient la barre des 30 °C, poussant Météo-France à placer le département en vigilance rouge pour risque «très élevé» de feux de forêts.

Sécheresse et tramontane

Mais les températures n’expliquent pas la progression impressionnante du feu, constaté par les pompiers. Mardi, les flammes avançaient à près de 6 km/h selon le patron du Service départemental d’incendie et de secours de l’Aude, Christophe Magny, mercredi, engloutissant 1 000 hectares de végétation par heure. La faute, notamment, à la tramontane. Ce vent de nord-ouest, sec et chaud, qui peut atteindre 50 à 70 km/h, est l’une des raisons pour laquelle l’alerte rouge incendie a été déclenchée par Météo-France. Ce jeudi, les conditions météo «plutôt favorables en ce début de matinée», selon les pompiers de l’Aude, les ont aidées à lutter plus efficacement contre les flammes.

Au-delà de la chaleur et de la tramontane, les feux progressent aussi vite du fait de la sécheresse. Ces derniers mois, l’Aude est victime d’un manque d’eau criant. En mars dernier, selon le bilan du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Aude était l’un des deux départements de la métropole où le niveau des nappes phréatiques est le plus bas par rapport à la normale – sur la carte du BRGM, le département se classe à l’avant-dernier échelon. L’été dernier, plusieurs villages de la zone avaient été privés d’eau plusieurs heures par jour.

Cet été encore, la sécheresse des sols et des végétaux a favorisé le développement des flammes. «Au 1er juillet, l’indice d’humidité des sols superficiels affiche des records bas sur l’Aude, l’Ariège, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Orientales», pointe notamment le dernier bulletin national de situation hydrologique de l’Office international de l’eau et de l’Office français de la biodiversité. Alors que les précipitations sur la France ont été déficitaires de 30 % en juin par rapport à la période de référence 1991-2020, le déficit est de 75 % dans l’Aude. Seuls le Var et la Corse-du-Sud font pire, avec 90 % de déficit. Une situation qui se répète année après année. La hausse du taux d’humidité a freiné petit à petit le feu ces deux dernières nuits, mais pas suffisamment pour le contrôler.

Une barrière viticole arrachée

Vent, chaleur et sécheresse sont le combo le plus dangereux lorsque des feux de forêts se déclarent. Mais la nature du terrain renforce les risques, surtout lorsque les végétaux sont secs : typiques de la région méditerranéenne, la garrigue, la broussaille mais aussi les pins sont des combustibles redoutables. A l’inverse, «les vignes fonctionnent comme des coupe-feu naturels et ralentissent l’avancée des flammes», avance notamment le porte-parole des pompiers, Eric Brocardi, à TF1.

Sauf que l’Aude a justement été autorisée à arracher 5 000 hectares de vignes en 2025, dans le cadre d’un dispositif financé par des fonds européens pour lutter contre la surproduction de vin, alors que les domaines viticoles souffraient des conséquences de la guerre en Ukraine. Mais depuis, les vignes n’ont en grande majorité pas été remplacées, cette barrière naturelle a donc laissé la place à des friches, hautement inflammables. «Cela fait des mois qu’on alerte la préfecture sur le risque incendie, assure à TF1 Philippe Monziols, du Syndicat des vignerons. C’est pour ça que ça brûle autant.»

Près de quarante-huit heures après le début de l’incendie, les sapeurs-pompiers espèrent fixer les flammes ce jeudi après-midi affirme Christophe Magny. «C’est une journée décisive de bascule», a ajouté le capitaine Jean-Marie Aversenq, du Sdis.