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Libération
Environnement de travail

Contamination aux Pfas : les sapeurs-pompiers eux aussi largement exposés aux polluants éternels

Des élues écologistes et des représentants syndicaux des sapeurs-pompiers se sont retrouvés ce mardi 28 mai à Paris pour révéler les résultats de tests menés sur 19 soldats du feu. Résultat : entre deux et six perfluorés ont été retrouvés dans leurs cheveux.
(Zakaria Abdelkafi /AFP)
publié le 28 mai 2024 à 19h54

Après les députés il y a un an, ce sont les pompiers qui ont à leur tour sacrifié quelques centimètres de cheveux. Une mèche pour corroborer sans trop de doute la présence sur leurs corps de douze polluants éternels (Pfas) qu’on retrouve jusque dans l’Arctique, mais surtout pour mesurer le niveau de contamination.

Florent, 23 ans, est pompier professionnel depuis 2018. Le 16 mai, en marge d’une manifestation intersyndicale à Paris, ce jeune homme blond à la carrure imposante était le plus jeune des 19 soldats du feu à participer à un test coorganisé par le parti les Écologistes et visant à déceler ces molécules développées par l’industrie depuis les années 40 pour leur résistance à l’eau et la chaleur.

Le pompier du Haut-Rhin était de retour ce mardi 28 mai dans la capitale à l’occasion de la révélation des résultats, annoncé en amont comme «alarmants» par les organisateurs écologistes. Sous un barnum l’abritant de la pluie printanière, place El Salvador (VIIe arrondissement), Florent confirme être de ceux chez qui le plus de substances différentes ont été détectées 5 catégories de Pfas sur 12 dans son cas. «Au bout de seulement six ans, je suis déjà bien contaminé», s’inquiète-t-il.

En tout, deux perfluorés différents au moins ont été trouvés chez les 19 pompiers testés. Tous sont positifs à l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), une substance toxique, classée en Europe comme «extrêmement préoccupante», et comme «cancérogène pour les humains» par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). L’un des pompiers, travaillant dans la Drôme, cumule même 6 Pfas différents, à des taux très importants concernant le PFOA et l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), une substance toxique et notamment utilisée pour l’imperméabilisation des tissus.

Les responsables syndicaux présents expliquent avoir testé des professionnels au plus près du terrain, notamment face aux feux de forêt géants qui pourraient se multiplier dans les années à venir. Parmi les principales sources de la contamination aux Pfas, figurent l’exposition aux fumées toxiques, mais aussi les matériaux imperméables des équipements des pompiers et les mousses anti-incendie. Ce qui protège les pompiers français les tue aussi. D’autres pays, comme le Canada, ont d’ailleurs banni l’utilisation de ces produits chimiques dans la fabrication des imperméables de leurs soldats du feu.

«Le problème, c’est qu’on peut remmener ça dans nos familles»

Pompier en Gironde et syndiqué à l’Unsa, Arnaud Decosne, 45 ans, est l’hériter d’une famille de soldats du feu. Lui-même testé positif à 3 Pfas différents, il a vu son père et son grand-père mourir de cancers, avant leurs 70 ans. «Le problème, c’est qu’on peut remmener ça dans notre environnement, que ce soit à la caserne, mais aussi dans nos familles, et exposer directement nos proches», s’agace-t-il. L’homme appelle donc «les pouvoirs publics, et surtout nos employeurs à prendre conscience de ces dangers, et à nous protéger de ces polluants au quotidien.»

Aux côtés des «cobayes», des représentants de neuf organisations syndicales de sapeurs-pompiers côtoient la sénatrice écologiste de Paris Anne Souyris, et la secrétaire nationale des Écologistes-EELV Marine Tondelier, qui avait également donné une mèche de cheveux. Le parti écologiste, malgré une campagne européenne difficile, ne compte pas lâcher ce combat. «L’absence de réglementation en France autour des Pfas est le symbole du manque de courage des responsables politique», pointe Marine Tondelier. «C’est un sujet qu’il faut porter partout, tout le temps.» Et ce sera d’abord au Sénat, le 30 mai, pour le vote de la loi portée par les Verts déjà adoptée à l’Assemblée qui vise à interdire les polluants éternels dans les vêtements et les cosmétiques.

Après les prises de parole, les syndicalistes et les écologistes se sont rendus au ministère de la Santé, pour remettre à la ministre Catherine Vautrin les résultats des tests. En attendant des avancées législatives ou réglementaires, les syndicalistes pointent du doigt leurs nouvelles tenues, prévues pour 2025, qui devraient encore contenir des polluants éternels. «Nous, on sait qu’on ne va pas vivre très vieux. Notre combat, c’est celui pour les pompiers des générations futures», s’exclame l’un d’eux. Une convergence avec l’expression historique des écologistes.