Ils se plaisaient à croire que les bourrasques de la tempête Ciaran, en novembre, avaient emporté avec elles le mauvais œil en même temps qu’une partie de leurs cultures. Mais le norovirus, responsable de la gastro, est venu plomber un peu plus le moral des ostréiculteurs, interdisant les ventes d’huîtres d’une dizaine de zones juste avant la période faste que sont les fêtes de fin d’année pour le secteur. Philippe Le Gal, président du Comité national de conchyliculture, attend un geste de l’Etat pour venir en aide aux entreprises touchées par un virus «d’origine humaine». Et appelle à prendre enfin le problème à la source.
Après ces semaines compliquées, comment vont les ostréiculteurs ?
La période des fêtes représente 50 % de la commercialisation annuelle pour notre métier, et ces fermetures que l’on ne maîtrise pas ont provoqué une forme d’abattement chez les ostréiculteurs. Et même ceux ayant pu travailler durant les fêtes ont subi l’effet médiatique, alors que seulement dix zones ont été fermées. A titre de comparaison, il y en avait 35 en 2020 et l’on n’en avait pas parlé autant.
Reportage
Quelles sont les aides espérées ?
Les pertes dans le bassin d’Arcachon sont, pour l’instant, estimées à 7 millions d’euros. Il faut impérativement venir en aide aux entreprises pour éviter un dépôt de bilan massif. Contrairement aux agriculteurs, les conchyliculteurs ne sont pas propriétaires de leurs espaces de travail et l’Etat leur loue un espace maritime qui n’est pas sain. Ils pourraient au moins avoir la délicatesse de les exonérer des frais de location pour ne pas passer de «pollueur payeur» à «pollué payeur»… Les ostréiculteurs subissent cette situation alors que la cause est connue.
Quelle est-elle ?
Le norovirus est exclusivement d’origine humaine. S’il se retrouve dans le milieu marin, c’est qu’il n’a pas été traité quelque part et les sites d’assainissement des eaux usées sont en grande partie responsables. Deux rapports d’expertise ont clairement établi cette responsabilité en 2021 sur le secteur d’Auray (Morbihan) et de La Baule (Loire-Atlantique). La baie d’Auray était complètement fermée depuis une dizaine d’années avant de fonctionner normalement cette année parce que les collectivités territoriales ont investi depuis quatre ans pour rénover la station d’épuration. Et à moindre coût puisqu’elles ont bénéficié d’aides : sur les deux millions d’euros investis, seuls 25 % l’ont été directement par la communauté de communes Auray-Quiberon-Terre atlantique. Les solutions existent, et c’est aux collectivités territoriales de les mettre en place. Elles ont énormément de modalités de financement et de subventions supplémentaires possibles pour mener ces projets.
Comment s’organisent les ostréiculteurs pour lutter contre ces contaminations ?
Les professionnels ne restent pas les bras croisés en attendant qu’on leur tende la main. Ils essayent notamment de s’équiper de bassin de purification ou de se mettre en circuit fermé pour être indépendant du milieu maritime, et ainsi éviter la contamination. L’Etat pourrait leur donner un coup de main pour mettre en place ces solutions ainsi que dans la communication pour rassurer les consommateurs. En parallèle, l’étude de ce petit pathogène qu’est le norovirus est toujours en cours. Il est très difficile à repérer, mais nous avons remarqué qu’il fonctionnait avec un bactériophage qui lui est plus facile à détecter. Et nous aimerions rajouter cet indicateur dans les analyses des zones conchylicoles pour prévenir le problème.
Comment la profession envisage les prochains mois ?
Aujourd’hui, l’heure est à la diversification, et j’ai le sentiment que la prise de conscience du potentiel nourricier de la mer est en cours. La pêche, telle qu’on la connaît, prend un virage et se soucie désormais de la préservation des ressources. Aujourd’hui, l’objectif est de sortir de la monoculture, d’huîtres ou de moules, pour ne pas être à l’arrêt en cas de problème sanitaire comme ce fut le cas ces dernières semaines.