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Libération
Pétromonarchie

COP 28 à Dubaï : les militants s’inquiètent pour leur sécurité

Des défenseurs des droits humains et de l’environnement craignent d’être surveillés, voire arrêtés par les autorités des Emirats arabes unis, alors qu’ils ont l’intention de faire entendre leur voix lors des négociations mondiales sur le climat à partir du 30 novembre.

Le logo de la police de Dubaï apposé sur son centre de commandement, le 26 juillet 2021. (Rula Rouhana/REUTERS)
Publié le 24/11/2023 à 16h42

Si les lobbyistes des énergies fossiles devraient (comme d’habitude) être bien accueillis à la COP 28 qui commence le 30 novembre aux Emirats arabes unis, les conditions des militants qui se rendent à Dubaï pourraient être bien différentes. Déterminés à manifester contre les atteintes aux droits humains et à l’environnement, les activistes se déclarent «très préoccupés» par les risques de surveillance, d’arrestation et de détention auquel ils s’exposent dans la pétromonarchie.

Promettant des négociations «inclusives», les organisateurs émiratis ont autorisé les rassemblements des défenseurs de l’environnement, omettant ceux des droits humains. Une concession qui ne tient que si les rassemblements sont «pacifiques», «autorisés» et confinés dans un «espace» précis du vaste complexe qui accueille l’événement. Cette «zone bleue» serait gérée par l’ONU et non par les autorités locales, qui ont organisé la COP au milieu du désert de la banlieue de Dubaï.

«Aucune action, aucun événement de la société civile n’aura lieu à l’extérieur du site de la COP en raison des risques de sécurité», regrette le militant britannique Asad Rehman, cofondateur de la «coalition pour la justice climatique». Cette figure des mouvements écologistes anglo-saxons prévoit des actions sur le terrain. Selon lui, les militants prévoient de dénoncer le traitement des travailleurs migrants aux Emirats, la détention d’acteurs de la société civile, ainsi que la production de combustibles fossiles. Autant de sujets tabous pour les autorités, mais «il ne peut y avoir de justice climatique sans droits de l’homme», argue le militant.

La détermination n’empêche toutefois pas les inquiétudes. «Nous sommes très préoccupés par le fait que des personnes puissent être détenues et arrêtées», ajoute Asad Rehman, précisant qu’«il y a aussi des inquiétudes plus globales sur l’ampleur de la surveillance». Parmi elles, l’accès des autorités émiraties à des technologies de surveillance «des communications numériques».

Un «Etat très répressif» et LBGTphobe

Dans la fédération, regroupant sept émirats, les manifestations non autorisées sont interdites, ainsi que les critiques à l’encontre de ses dirigeants, l’homosexualité, et tout propos susceptible d’encourager des troubles sociaux. Selon Devin Kenney, chercheur à Amnesty International, qui déplore que ce ne soit «pas la première fois qu’une réunion de la COP se tient dans un Etat très répressif», les autorités «ont éliminé toute forme de société civile en emprisonnant […] les Emiratis exprimant la moindre critique». En 2020, un Jordanien résident dans le pays a été condamné à dix ans de prison pour avoir critiqué la famille royale et le gouvernement jordaniens sur Facebook, selon Human Rights Watch (HRW).

Sur le site des Nations unies consacré à la COP28, les lignes directrices rédigées par le pays hôte rappellent que les lois locales «interdisent la diffusion […] de fausses nouvelles ou de déclarations diffamatoires verbalement ou sur les médias sociaux». Dans un document adressé spécifiquement aux participants issus de la communauté LGBTQI +, il est demandé à «tous les visiteurs et résidents de respecter les valeurs culturelles et sociétales» du pays.

Les manifestations, fréquentes lors des précédentes COP, avaient été autorisées lors de la dernière conférence de l’ONU sur le climat en Egypte, où les autorités répriment régulièrement les manifestations et arrêtent arbitrairement les activistes.

Human Rights Watch et Amnesty International accusent les Emirats de détenir au moins 64 de leurs ressortissants pour des raisons politiques, notamment Ahmed Mansoor, surnommé «le dernier défenseur des droits de l’homme» des Emirats. Arrêté en 2017, il a été condamné l’année suivante à 10 ans de prison, accusé de diffusion de fausses informations sur les médias sociaux et d’atteinte à la réputation de l’Etat, en vertu d’une loi sur la cybercriminalité.