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COP28 : triplement du nucléaire et des énergies renouvelables, décarbonation… ce qu’il faut retenir de la journée du 2 décembre

Menés par les Etats-Unis et la France notamment, des pays ont signé une déclaration commune à Dubaï ce samedi plaidant pour le nucléaire, tandis qu’au moins 118 pays se sont engagés à tripler les capacités d’énergies renouvelables d’ici à 2030.
Des réacteurs nucléaires à la centrale de Waynesboro, dans l'état américain de Géorgie, le 20 janvier 2023. (John Bazemore/AP)
publié le 2 décembre 2023 à 9h33
(mis à jour le 2 décembre 2023 à 14h46)

Nucléaire, groupes pétroliers et décarbonation, énergies renouvelables… Passage en revue des moments clés de ce samedi 2 décembre à la COP28 à Dubaï.

Une vingtaine de pays appellent à tripler le nucléaire dans le monde d’ici à 2050

C’est l’un des grands enjeux de ce sommet mondial sur le climat. Une vingtaine de pays dont les Etats-Unis, la France et les Emirats arabes unis ont appelé ce samedi 2 décembre, dans une déclaration commune au troisième jour de la COP28, à tripler les capacités de l’énergie nucléaire dans le monde d’ici à 2050, par rapport à 2020, pour réduire la dépendance au charbon et au gaz.

L’annonce a été faite par John Kerry, l’émissaire américain pour le climat, à Dubaï, en compagnie de plusieurs dirigeants dont le président français, Emmanuel Macron, et le Premier ministre belge, Alexander de Croo. Parmi ceux-ci figurent encore la Bulgarie, le Canada, la Finlande, le Ghana, la Hongrie, le Japon, la Corée du sud, la Moldavie, la Mongolie, le Maroc, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, l’Ukraine, la République Tchèque et le Royaume-Uni.

En revanche, la Chine et la Russie, importants constructeurs de centrales nucléaires dans le monde aujourd’hui, ne comptent pas parmi les signataires.

«La déclaration reconnaît le rôle clé de l’énergie nucléaire dans l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050 et pour conserver l’objectif de (limiter le réchauffement à) 1,5 °C à portée de main», affirme le texte. «Nous savons par la science, la réalité des faits et des preuves qu’on ne peut pas atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 sans nucléaire», a plaidé John Kerry lors de l’événement à Dubaï.

Les pays signataires appellent également les actionnaires des institutions financières internationales – comme la Banque mondiale – à inclure le nucléaire dans leurs financements. «Il existe des dispositions statutaires, parfois dans certaines institutions de crédit internationales, qui excluent le nucléaire. Je pense que ça, c’est complètement obsolète», avait déclaré un peu plus tôt le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi.

Ses promoteurs voient dans l’énergie nucléaire, modulable et qui n’émet quasiment pas de gaz à effet de serre, un moyen incomparable de produire une électricité vertueuse et abondante. Certains défenseurs de l’environnement soulignent en revanche les risques d’accident, la question des déchets sur le très long terme ou encore les coûts élevés de l’atome.

Les Etats-Unis s’engagent à verser 3 milliards de dollars au plus grand fonds climatique

La vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, a annoncé avec «fierté» ce samedi une contribution de 3 milliards de dollars au Fonds vert pour le climat, «qui aide les pays en développement à investir dans la résilience, les énergies propres et les solutions fondées sur la nature», a loué la bras droit de Joe Biden. La dernière annonce de contribution de Washington, pour un montant de 3 milliards de dollars également, date de 2014 et émanait du président démocrate de l’époque, Barack Obama, alors que de nombreux autres pays ont renouvelé leur contribution entre temps.

Cette annonce, même si elle est conditionnée à l’approbation périlleuse d’un Congrès américain divisé comme rarement, était un signal très attendu pour espérer apaiser les tensions entre le Nord et le Sud sur la finance internationale, qui constituent un nœud majeur des négociations onusiennes sur la lutte contre le changement climatique.

Si la promesse est tenue, les Etats-Unis deviendraient le premier contributeur au fonds en valeur absolue avec 6 milliards de dollars. Mais le Royaume-Uni (5,1 milliards, selon l’ONG NRDC), l’Allemagne (4,9 milliards) et la France (4,6 milliards) contribuent bien davantage, proportionnellement à leur population.

Au moins 118 pays s’engagent à tripler les capacités d’énergies renouvelables d’ici à 2030

Un engagement non contraignant à tripler les capacités renouvelables dans le monde d’ici à 2030 a été signé par au moins 118 pays, soit plus de la moitié des Etats représentés à la COP28, a annoncé ce samedi Sultan al-Jaber. Un communiqué de la présidence avait auparavant annoncé 116 pays, et la liste s’allongeait encore peu après à 118. Quel que soit le nombre final, cette annonce vise à imposer l’inscription de cet objectif dans tout accord final à la COP28, cette fois dans le cadre onusien.

Montrant l’ampleur du chemin qui reste à accomplir, la liste fournie par la présidence de la COP28 n’inclut pas les plus grands pays producteurs ou consommateurs d’énergies fossiles : Russie, Arabie Saoudite, Chine, Iran, Irak, Venezuela, Koweït, Qatar…

Les autres pays se sont engagés à «travailler ensemble» en vue de porter les capacités mondiales d’énergies renouvelables (éoliennes, solaires, hydroélectricité…) à 11 000 gigawatts (GW) à cet horizon, contre environ 3 400 GW aujourd’hui, en prenant en compte «les différents points de départ et circonstances nationales» des différentes nations. Les pays ont également promis de doubler le rythme annuel de progression de l’efficacité énergétique jusqu’en 2030, de 2 % à 4 %. Ces engagements n’ont toutefois pas de valeur contraignante.

L’Union européenne avait lancé un appel en ce sens au printemps, soutenu par la présidence émiratie de la COP28 puis successivement par les pays du G7 et du G20 (80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre).

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’affirme : «Avec cet objectif mondial, on envoie un message très fort en direction des investisseurs et des marchés financiers. On montre le sens de la marche.» Et d’en conclure : «Il y a des arguments très convaincants en faveur des renouvelables, parce qu’une fois installées, elles peuvent produire une énergie propre et locale. Donc cela vous rend indépendant et elles sont moins chères que les énergies fossiles.»

50 groupes pétroliers s’engagent a minima sur la décarbonation

Cinquante compagnies de l’industrie du pétrole et du gaz, représentant 40 % de la production mondiale, se sont engagées à décarboner leurs opérations de production d’ici à 2050, a annoncé ce samedi la présidence émiratie de la COP28. Ces entreprises, dont 29 compagnies nationales parmi lesquelles la saoudienne Aramco et l’émiratie Adnoc, ont signé une charte fixant comme objectifs «la neutralité carbone en 2050 ou avant», des émissions de méthane «proche de zéro» et «aucun torchage de routine» d’ici à 2030.

Cette «Charte de décarbonation du pétrole et du gaz» (Oil and Gas Decarbonization Charter, OGDC), portée conjointement par les Emirats et l’Arabie Saoudite, concerne toutefois seulement les émissions de gaz à effet de serre produites par les opérations d’extraction et de production de ces entreprises. Un engagement a minima, donc, puisqu’il ne prend pas en compte le CO2 émis lors de l’utilisation du pétrole et du gaz qu’elles vendent – par le transport routier, la construction, pour le chauffage, la fabrication de plastique etc. – et qui représente l’écrasante majorité du bilan carbone du secteur. La charte n’a suscité aucun commentaire positif des ONG. Ainsi, pour Andreas Sieber, de l’ONG 350.org, cette initiative «détourne l’attention de la nécessité de réduire fortement dès cette décennie la production aussi bien que la consommation des énergies fossiles».

Cette charte a été établie sous l’impulsion de Sultan al-Jaber, à la fois président d’Adnoc et de la COP28, une double casquette qui lui vaut de fortes accusations de conflit d’intérêts.

Le texte, lui, fait partie d’un ensemble d’initiatives pour accélérer la décarbonation du système énergétique mondial, préparées au cours de l’année qui a précédé la COP28. Il s’agit toutefois d’engagements volontaires non contraignants, qui n’ont pas l’autorité des décisions de la COP28, prises par consensus entre près de 200 pays sous l’égide des Nations unies. Mais elles peuvent influer sur l’issue des négociations.