L’ineptie se répète. Pour la deuxième année consécutive, un homme du pétrole sera à la tête de la conférence de l’ONU sur le climat. L’Azerbaïdjan a décidé de propulser son ministre de l’Ecologie et des Ressources naturelles, un ancien employé de la compagnie pétrolière Socar, à la présidence de la COP29, qui se tiendra en novembre dans la capitale du pays.
Mukhtar Babayev «a été nommé président désigné de la 29e session de la conférence des parties», a annoncé ce vendredi 5 janvier Rashad Allahverdiyev, un responsable du ministère. A ses côtés, le gouvernement azerbaïdjanais a nommé le vice-ministre des Affaires étrangères, Yalchin Rafiyev, pour assurer le poste de négociateur en chef lors de la COP29.
Dans le sillage de la COP28
Une décision au goût amer de déjà-vu. Pour présider la conférence de l’ONU sur le climat à l’automne, les Emirats arabes unis avaient nommé Sultan al-Jaber, patron du géant pétrolier Adnoc et ministre émirati de l’Industrie. Une double casquette vivement critiquée par les défenseurs de l’environnement, qui avaient à l’époque pointé du doigt le risque presque inévitable de conflit d’intérêts.
La présidence sortante s’est d’ailleurs empressée de féliciter Mukhtar Babayev, qui représentait son pays quelques semaines plus tôt à Dubaï. «Nous sommes impatients de travailler avec les présidences de la COP29 et de la COP30 [qui se tiendra au Brésil], ainsi qu’avec l’ONU Climat, pour concrétiser le succès historique et transformateur de la COP28 et maintenir l’objectif de 1,5°C à portée de main», s’est-elle réjouie sur Twitter (renommé X).
We wish HE Mukhtar Babayev, President-Designate of COP29, and HE Yalchin Rafiyev, Lead Negotiator of COP29 every success in their roles as Azerbaijan hosts the Conference of the Parties this year.
— COP28 UAE (@COP28_UAE) January 4, 2024
We look forward to working alongside the COP29 and COP30 Presidencies, and the… pic.twitter.com/LsnXvBYqc1
«Nos inquiétudes se multiplient»
Agé de 56 ans, Mukhtar Babayev a fait ses armes à la State Oil Company of Azerbaijan Republic (Socar), la compagnie nationale pétrolière et gazière du pays. D’abord employé au sein du département des relations économiques extérieures de l’entreprise, de 1994 à 2003, il a ensuite rejoint celui du marketing et des opérations économiques, avant de devenir vice-président chargé de l’écologie entre 2007 et 2010. Depuis 2018, Mukhtar Babayev est ministre de l’Ecologie et des Ressources naturelles pour l’Azerbaïdjan.
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«Avec un autre pétro-Etat accueillant la COP, nos inquiétudes se multiplient», a réagi peu après l’annonce Harjeet Singh, de la campagne «Initiative pour un traité contre les énergies fossiles». Avant d’ajouter que, «malgré les liens de Mukhtar Babayev avec le secteur pétrogazier, il doit comme président de la COP29 transcender les intérêts de la puissante industrie fossile». De son côté, le Climate Action Network – plus grand réseau d’ONG aux conférences de l’ONU – a appelé le ministre «à renforcer le résultat de la COP28 sur la transition hors des énergies fossiles et, en particulier, à faire du financement de cette transition dans les pays en développement une grande priorité de la COP29».
Un pétro-Etat en guise de pays hôte
Au terme de longues tractations, l’Azerbaïdjan avait finalement été choisi en décembre pour accueillir la prochaine édition de cette grand-messe du climat, du 11 au 22 novembre 2024. Une décision qui avait immédiatement essuyé de nombreuses critiques, alors que le pays a développé à partir des années 90 de gros gisements pétroliers et gaziers en mer Caspienne. «Bakou fut l’une des capitales mondiales du pétrole au début du XXe siècle», avait à l’époque précisé Francis Perrin, spécialiste de l’énergie à l’Institut de relations internationales et stratégiques.
L’Azerbaïdjan, un pays en développement, demeure aujourd’hui «très dépendant des hydrocarbures qui représentent un peu moins de 50 % de son PIB, un peu plus de 50 % de ses recettes budgétaires et un peu plus de 90 % de ses recettes d’exportation», a ajouté le spécialiste. Mi-décembre, la conférence de Dubaï s’était conclue sur un appel à engager une «transition» hors des énergies fossiles – une première dans l’histoire des COP.