Menu
Libération
Trous d'air

Dans l’Aude, le projet de golf de l’héritière Lacoste est lâché par la préfecture

Le titanesque projet immobilier de golf à Fontiers-Cabardès, rêvé depuis plus d’une décennie par Catherine Lacoste, a été désavoué par la préfecture de l’Aude mardi 16 janvier. Les opposants savourent une «victoire politique».
A Fontiers-Cabardès, un graffiti contre le projet de construction de golf sur la Montagne Noire. (Idriss Bigou-Gilles/Hans Lucas)
publié le 19 janvier 2024 à 18h05

Quinze ans de lutte et une victoire au bout du parcours. Les opposants à la construction d’un golf XXL à Fontiers-Cabardès (Aude) dont Libération racontait les coulisses en mai dernier, ont obtenu gain de cause. Lors de sa conférence de presse de rentrée mardi 16 janvier, le préfet de l’Aude Christian Pouget s’est désolidarisé du projet, affirmant droit au but : «Je l’ai écrit la semaine dernière au maire de Fontiers-Cabardès et dit à la chambre de commerce et d’industrie. Il est hors de question pour moi de soutenir un projet comme celui-ci.»

L’objet du désaveu ? Un titanesque projet immobilier de «golf de niveau international», retardé mais jamais avorté, estimé à 170 millions d’euros : le rêve de Catherine Lacoste, fille de René, le «Mousquetaire» de la raquette aux sept titres du Grand Chelem et fondateur de la marque griffée du reptile, et de Simone Thion de la Chaume, pionnière du golf féminin dans l’entre-deux-guerres. En 2007, Catherine Lacoste monte la société Telcapi pour mettre en œuvre son projet aux allures dystopiques : un golf de 18 trous assorti à un club house et un hôtel-restaurant 4 étoiles de 80 chambres. La dernière estimation résumée en quelques lignes dans le plan local d’urbanisme (PLU) de 2022 énumère aussi «45 villas et 50 appartements», des «logements pour le personnel» et une station d’épuration. Le tout dans une région en proie à une sécheresse chronique, alors qu’un 18 trous engloutit en moyenne la consommation d’une commune de 700 habitants et que la pratique du golf aurait la deuxième pire empreinte carbone à l’échelle individuelle, selon une étude allemande.

Victoire politique

«C’est un projet d’un autre temps qui je le rappelle n’a pour l’instant fait l’objet d’aucun acte, d’aucun dépôt de dossier. Ce serait totalement absurde d’avoir un discours de préservation de la ressource en eau en montagne Noire et d’être en accord avec un projet de golf», a martelé le préfet devant les journalistes. Une prise de position saluée par l’association Montagne Noire, qui savoure une «victoire politique», selon les mots de Justine Bianconi, présidente du collectif. «C’est la première fois que le préfet affirme publiquement qu’il refuse les travaux. L’Etat retourne sa veste puisque jusqu’ici, la préfecture soutenait le projet», explique-t-elle à Libération.

Les instructions seraient-elles venues d’en haut ? «Aujourd’hui, ce projet tel qu’il nous est connu, entre en complète contradiction avec les objectifs poursuivis par les services de l’État, sous l’impulsion du législateur, en matière de préservation de la ressource en eau et de lutte contre l’artificialisation des sols, dans un contexte où nous savons que ces enjeux vont devenir de plus en plus prégnants pour le territoire dans les années à venir», détaille la préfecture à Libération. Et de poursuivre : «Aucune demande d’autorisation n’a formellement été instruite par les services de l’État, car, avant tout dépôt d’une demande d’autorisation, il conviendrait que la commune dispose d’un PLU (plan local d’urbanisme) compatible avec un tel projet, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.»

En effet, le PLU qui entérine l’implantation du golf a été cassé par le tribunal administratif de Marseille puis par le Conseil d'Etat en 2018. Enfin, «la réalisation du projet de golf nécessiterait l’aboutissement de multiples procédures administratives, en particulier la réalisation d’une étude d’impact, l’obtention d’un permis d’aménager, l’autorisation d’un dossier loi sur l’eau et défrichement», ajoute la préfecture. L’ensemble de ces procédures étant liées les unes aux autres, c’est à l’issue de leurs instructions que le préfet de l’Aude serait amené à se prononcer définitivement.

En attendant l’abandon pur et dur du projet, l’association Montagne Noire Avenir assure rester «vigilante et mobilisée sur le devenir des terres agricoles et naturelles menacées par le projet», mais aussi sur «les enjeux politiques, écologiques et citoyens de la Montagne Noire.»