C’est une bombe à retardement pour le climat, mais aussi pour les montagnes en Suisse et leurs habitants : le réchauffement du permafrost dans le pays alpin a atteint un niveau «record», indique, mardi 17 juin, l’Académie suisse des sciences naturelles. Le permafrost, de son nom anglais plus usité, parfois appelé pergélisol en français, est un sol (roche, terre, moraine etc.) perpétuellement gelé.
On le trouve essentiellement dans l’hémisphère Nord, dans les régions arctiques, mais aussi dans certaines chaînes de montagne. En Suisse, il recouvre environ 5 % du territoire, notamment les éboulis et les parois rocheuses froides situés au-dessus de 2 500 mètres. Sa fonte, accélérée sous l’effet du réchauffement climatique, peut provoquer des glissements de terrain.
Les experts missionnés dans le canton du Valais après la catastrophe du 28 mai pensent que ce phénomène a joué un rôle dans la chute du glacier de Birch sur le petit village de Blatten. L’Académie suisse des sciences naturelles vient conforter leur hypothèse : d’après les données publiées ce mardi et fondées sur vingt-cinq années de mesure, le permafrost des Alpes helvètes n’a jamais été aussi chaud qu’en cette année hydrologique 2024, qui commence le 1er octobre en Suisse et court jusqu’au 30 septembre.
Chaleur de l’automne piégée
«Au cours des dix dernières années (2014 – 2025), les températures du pergélisol ont généralement augmenté sur les 23 sites d’étude avec des changements pouvant dépasser +0.8°C à une profondeur de 10 mètres menant ainsi à de nouveaux records de température en 2024», relèvent les scientifiques.
Cette hausse a été renforcée en 2024 par un enneigement précoce en haute altitude à l’automne 2023 qui a piégé la chaleur de l’automne. Par ailleurs, les années hydrologiques 2022, 2023 et 2024 comptent parmi les cinq années les plus chaudes mesurées dans le pays depuis le début des mesures en 1864, avec des températures supérieures de 1,4 à 1,9 °C à la moyenne de la période 1991-2020.
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D’après l’étude, le réchauffement le plus important a été enregistré là où le permafrost est plus froid (avec une température inférieure à environ -2°C) ou lorsqu’il contient peu de glace comme dans les parois rocheuses au-dessus de 3 500 m d’altitude.
Les données montrent aussi qu’à 20 mètres de profondeur, le réchauffement observé est environ deux fois moindre. Mais le phénomène va se propager en profondeur, préviennent les experts. Les résultats de vingt-cinq années de mesures mettent en effet en évidence un réchauffement marqué et une dégradation croissante du pergélisol, ainsi qu’une augmentation de la vitesse des glaciers rocheux (vers l’aval). «Les changements observés actuellement vont se poursuivre au cours des prochaines décennies et les changements de température enregistrés dans les dix premiers mètres vont se propager à de plus grandes profondeurs», détaille l’étude.
Un effet sur la stabilité des pentes
Sur tous les sites observés, la profondeur de la couche active – la couche superficielle du sol qui dégèle en été et regèle en hiver – a subi une augmentation pouvant aller jusqu’à plusieurs mètres lors des deux dernières décennies, atteignant des niveaux sans précédent en 2024. Les changements les plus importants ont été observés au Schilthorn, au centre de la Suisse, où la couche active a passé de moins de 5 mètres en 2000 à plus de 13 mètres en 2023 et n’est finalement pas parvenue à regeler durant l’hiver 2024.
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Globalement, le réchauffement du pergélisol et la diminution du contenu en glace qui en découle ont un effet sur la stabilité des pentes qui sont gelées en permanence. Ce phénomène est de grande importance pour la planification des infrastructures dans les villages de montagne et la surveillance des dangers naturels. L’an dernier, une étude avertissait déjà que plus d’un tiers des refuges du Club alpin suisse pourraient être instables à l’avenir en raison du dégel du permafrost.