«Boire ou loisir, il faut choisir». Plusieurs milliers de personnes ont marché ce samedi 16 mars à Villeneuve-de-la-Raho, dans les Pyrénées-Orientales, pour protester contre la construction d’un méga-complexe de golf dans le département en proie à une sécheresse chronique depuis bientôt trois ans.

Dans un périmètre tenu à l’écart du public par une clôture, les travaux contestés ont débuté pour faire sortir de terre un golf de 18 trous et 600 logements, pour une trentaine d’hectares de bâti. Les manifestants, au nombre de 4 500 selon les organisateurs, 1 500 selon la gendarmerie, ont dénoncé un projet absurde.

«Avec la forte mobilisation d’aujourd’hui, le ministre de la Transition écologique va siffler la fin du projet», espère Me Mathieu Pons-Serradeil, qui a déposé deux recours pour deux associations, «Pays catalan écologie» et «Agissons 66». «A deux mois des élections européennes, ce serait un geste fort prenant en compte les préoccupations du département face à cette sécheresse interminable», a-t-il jugé.

«On a perdu 60 % de la pluviométrie ces trois dernières années», a également témoigné Nicolas Garcia, élu communiste et premier vice-président du département, chargé de l’eau. «Il faudrait 600 mm [de pluie] pour rattraper tout le retard, recharger les nappes [phréatiques] et au moins 350 mm pour passer l’été», a-t-il précisé. Or Perpignan, commune limitrophe dans le nord du département, n’a reçu qu’une cinquantaine de millimètres de précipitations depuis le début de l’hiver. Le préfet n’a cessé de prolonger et renforcer les mesures de restriction sur l’usage de l’eau, en vigueur depuis le printemps 2022.

La maire de Villeneuve-de-la-Raho, Jacqueline Irles (LR), porte le projet. L’édile soutient que l’arrosage du golfe se fera principalement grâce aux eaux usées. «On me dit «[le golf] tombe mal en ce moment, c’est la sécheresse». Mais jamais il n’est tombé aussi bien ! C’est lui qui va apporter des solutions !» proclame la maire de cette commune de 4 000 habitants. Pour elle, en puisant dans les eaux usées, le 18-trous montre «que ça n’est pas dangereux» et ouvre la voie à la réutilisation de cette ressource pour l’agriculture.

«En toute humilité, je devrais être remerciée d’avoir fait ça, d’avoir anticipé à l’époque», en prévoyant dès 2009 l’utilisation d’eaux usées et de graminées peu consommatrices, a encore argué la maire. Par ailleurs, le projet devrait apporter environ 200 emplois directs et indirects.

De son côté, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a dit craindre que le golf, privé d’eau par la sécheresse, ne ressemble à un «paillasson». Début février, 92 enseignants et employés de l’université de Perpignan ont également dénoncé dans une tribune un projet «emblématique d’une vision dépassée». Les opposants y voient une injustice flagrante en faveur des privilégiés qui fouleront le «green».