Oublier l’obscurité et la mer agitée. Chercher à tâtons la première marche de l’échelle instable qui pend contre le flanc du navire. Se cramponner aux cordes, descendre jusqu’au speed boat, sorte de gros canot pneumatique, chahuté par la houle. Tout est froid, noir et mouvant. Mais ici, personne ne laisse parler sa peur : on ne doit pas flipper si on veut sauver Flipper. Tandis que le speed boat s’élance dans la nuit, les activistes sont déjà concentrés sur leur objectif : l’Amazone, un bateau de pêche que l’ONG a choisi de «contrôler» au large de La Rochelle (Charente-Maritime).
«Lors de précédentes campagnes, on a vu un peu de tout. Des pêcheurs nous ont craché dessus en disant qu’ils avaient le Covid, d’autres nous ont visés avec des fusées de détresse… Certains ont même amorcé des manœuvres d’intimidation dangereuses avec leurs bateaux.»
— Fred, activiste de Sea Shepherd
Cette mission inaugure la cinquième campagne «Dolphin Bycatch» menée par l’association de préservation des océans Sea Shepherd, dans le golfe de Gascogne. Depuis le 6 février, des militants passent leurs nuits en mer pour filmer les dauphins pris dans les filets des pêcheurs. Ces captures accidentelles, liées aux méthodes de pêche non sélectives, auraient entraîné la mort d’au moins 11 300 dauphins en 2019, selon les estimations de l’observatoire Pélagis, un institut placé sous la tutelle de l’université de La Rochelle et du CNRS. Pour Sea Shepherd, filmer ces captures, c’est éviter que ces cétacés protégés «meurent en vain».
«Un bon écolo est un écolo mort !»
Alors que les lumières de l’Amazone se détachent enfin dans la nuit, le speed boat s’annonce par radio : «Nous sommes Sea Shepherd et nous venons observer la remontée de vos filets.» Prompte réponse des pêcheurs : l’un d’eux ajuste son lance-pie