Erreur d’inattention ou pratique frauduleuse délibérée ? Dans un communiqué publié ce jeudi 8 février, la branche française de l’ONG de lutte contre la corruption Transparency International cible le lobbying «trouble» du groupe Nestlé. Elle l’accuse de ne pas avoir déclaré à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une rencontre confidentielle qui s’est tenue au ministère de l’Économie et des Finances en août 2021.
COMMUNIQUÉ | Eaux minérales et #lobbying trouble
— Transparency International France (@TI_France) February 8, 2024
La gravité des accusations de fraude qui visent #Nestlé nécessite de faire toute la transparence sur ses échanges avec les autorités. Nous avons adressé un signalement à la @HATVP pour obtenir des réponseshttps://t.co/drcSnAcom9 pic.twitter.com/uUda7lDJ5u
Ce signalement intervient une semaine après les révélations du quotidien Le Monde et de la cellule investigation de Radio France portant sur des soupçons de fraude aux normes de filtration des eaux minérales visant au moins un tiers des marques françaises. Le 29 janvier, le groupe a reconnu ces irrégularités, les justifiant par son souci de maintenir leur «sécurité alimentaire». Une enquête préliminaire pour tromperie a été ouverte par le parquet d’Epinal à l’encontre du groupe, qui détient les marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex.
D’après Radio France, la rencontre épinglée par Transparency International a été organisée «à Bercy en toute confidentialité, fin août 2021» avec Nestlé Waters, qui avait «sollicité un rendez-vous auprès du cabinet de la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher». L’entreprise aurait alors révélé aux autorités leurs pratiques de traitements illégales, «dans une sorte d’étrange et totalement informelle procédure de plaider-coupable». Nestlé aurait également demandé à maintenir certains traitements et à faire évoluer la réglementation.
Or, selon Transparency France, cette réunion au ministère semble ne pas avoir respecté les règles de transparence. Pour l’ONG, il s’agit d’une «rencontre que le groupe semble ne pas avoir mentionnée dans sa déclaration annuelle d’activités de lobbying auprès de la HATVP». Pour le président de l’ONG Patrick Lefas, «la gravité des accusations de fraude qui visent le groupe Nestlé nécessite de faire toute la transparence sur ses échanges avec les autorités». La Haute autorité n’a pour le moment pas encore réagit.
Une obligation légale
Depuis 2013, les «représentants d’intérêt» (les lobbyistes) sont tenus de rédiger une «déclaration annuelle d’activité», qui doit notamment contenir l’objet de leurs actions de lobbying, ainsi que les noms des responsables publics avec lesquels ils sont entrés en contact. Manquer à cette obligation légale et ne pas communiquer les informations requises constituent un délit.
«Nestlé a-t-il bien enfreint ses obligations déclaratives auprès de la HATVP ou le groupe a-t-il simplement profité en toute légalité d’une des nombreuses failles du répertoire des représentants d’intérêts de la HATVP pour être le plus opaque possible sur la nature de son rendez-vous du 31 août 2021 ?» s’interroge Patrick Lefas, qui demande «des réponses».
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Les associations anticorruption agréées, comme Transparency International France - où jusqu’à récemment Anticor - ont le droit de saisir la HATVP lorsqu’elles ont connaissance d’une situation ou de faits susceptibles de constituer un manquement aux différentes obligations prévues par la loi, que ce soit pour les responsables publics ou les entreprises.