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Recadrage

Eaux minérales : Bruxelles décèle de «sérieuses lacunes» dans les contrôles en France

La Commission européenne a publié mercredi un audit très sévère sur les traitements illégaux pratiqués par certains industriels. Le rapport conclut que le système français ne permet pas de garantir l’absence de produit frauduleux en rayon.
L'eau en bouteille est jusqu'à cent fois pire que ce que l'on pensait auparavant en ce qui concerne le nombre de minuscules morceaux de plastique qu'elle contient, selon une nouvelle étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences le 8 janvier 2024. (Joel Saget/AFP)
publié le 25 juillet 2024 à 14h13
(mis à jour le 25 juillet 2024 à 19h00)

Comment de l’eau minérale illégalement traitée a-t-elle pu se retrouver sur le marché français pendant quinze ans ? La Commission européenne a mené un audit à ce sujet et a rendu ses conclusions mercredi : le système mis en place par la France pour contrôler les eaux en bouteille est entaché de «sérieuses lacunes» et ne permet pas de garantir l’absence de produits frauduleux dans les rayons, estime-t-elle.

Bruxelles avait engagé cette procédure après les révélations de Radio France et du Monde évoquant en janvier de possibles infractions dans le secteur des eaux minérales et des eaux de source, notamment de la part de la société Nestlé Waters. Selon les conclusions de cette mission d’une dizaine de jours effectuée en mars, il existe bien dans l’Hexagone un système adéquat de contrôle des eaux minérales naturelles et des eaux de source, avec son lot de procédures et d’opérations de tests en laboratoire. Mais «dans son ensemble, le système de contrôle officiel ne vérifie pas efficacement que les eaux minérales naturelles mises sur le marché satisfont aux exigences légales en vigueur», estime l’audit.

«Collaboration inadéquate»

L’outil de surveillance «n’est pas conçu pour détecter ou atténuer les fraudes dans le secteur des eaux minérales naturelles et des eaux de source et n’est pas non plus correctement mis en œuvre, ce qui rend possible la présence sur le marché de produits non conformes et potentiellement frauduleux», ajoutent les auteurs. Le rapport déplore notamment des inspections insuffisamment ciblées sur les sites à risques et pas assez fréquentes ainsi qu’une «collaboration inadéquate au sein des autorités compétentes et entre elles». Il met aussi en avant «l’absence de mesures de suivi immédiat» permettant de «garantir que les opérateurs remédient aux non-conformités telles que l’utilisation de traitements interdits» ou d’«éviter la mise sur le marché d’eaux minérales naturelles qui ne sont pas qualifiées comme telles».

Une filiale française du géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé Waters – qui puise en France l’eau des marques Perrier, Vittel, Hépar et Contrex – avait reconnu fin janvier avoir eu recours à des traitements de désinfection interdits (lampe UV, charbon actif) sur les eaux minérales pour maintenir leur «sécurité alimentaire». Selon Mediapart, ces pratiques avaient cours depuis au moins 2010. Une enquête préliminaire pour tromperie a été ouverte par le parquet d’Epinal à l’encontre de Nestlé Waters. La multinationale est aussi visée par une autre enquête pour exploitation de forages sans autorisation, a indiqué mardi 23 juillet à l’AFP le procureur d’Epinal, neuf forages auraient été exploités sans autorisation, dont cinq pour les eaux Contrex et Vittel, puisées dans les Vosges, entre 1992 et 2019, selon Mediapart.

L’association de consommateurs Foodwatch, qui a porté plainte contre Nestlé mais aussi contre le gouvernement, qu’elle accuse de «complaisance», a précisé dans un communiqué mercredi 24 juillet que l’audit européen «confirme ce qu’elle dénonce à chaque scandale : opacité pour les consommateurs et consommatrices, manque de contrôles des autorités et impunité pour les multinationales».

Mise à jour à 19 heures à la suite d’une erreur de l’AFP sur l’entreprise Sources Alma.