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Eaux souterraines: un potentiel «énorme mais vulnérable»

A l’occasion de la journée mondiale de l’eau ce mardi, l’Unesco a publié son rapport annuel sur les ressources hydrauliques. Richard Connor, rédacteur en chef du rapport, en précise les enjeux.
Krizna Jama cave, Grahovo, Slovénie. (Sergio Pitamitz/VWPics/Universal Images Group/Getty Images)
par Line Chopin
publié le 22 mars 2022 à 17h33

La plus grande partie de l’eau douce du globe se trouve en réalité sous nos pieds : les eaux souterraines représentent 99 % des réserves. Pourtant, cette ressource reste méconnue. Alors que se déroule ce mardi la journée mondiale de l’eau, l’Unesco a publié lundi un rapport visant à mettre en lumière les potentialités des eaux souterraines. Richard Connor, expert en gestion durable de l’eau et rédacteur en chef du rapport, revient sur les défis de la gestion des ressources souterraines.

Peut-on dire que les ressources souterraines sont peu utilisées ?

Oui, elles sont sous-utilisées. On a une réserve absolument immense. Mais, dans le même temps, ça n’empêche pas la surutilisation dans certains lieux. Il y a des villes où il y a affaissement des sols, à cause du vide créé par l’extraction de la ressource en eau souterraine. C’est par exemple le cas de Jakarta en Indonésie, Houston aux Etats-Unis, ou Bangkok en Thaïlande. Ce sont des endroits où l’exploitation est beaucoup trop concentrée. Il faut trouver une façon d’harmoniser l’extraction. En Afrique subsaharienne, les eaux souterraines sont finalement peu utilisées, à cause d’un manque d’infrastructures. C’est aussi valable au niveau global : historiquement, on s’est toujours concentrés sur l’eau de surface. Et puis, on se rend compte qu’il y a énormément d’eau souterraine. Mais le problème, c’est qu’on n’a pas les infrastructures en place, car il n’y a pas les investissements pour.

Quels sont les bénéfices que peut apporter l’eau souterraine ?

Les eaux souterraines, si elles ne sont pas polluées, sont généralement de meilleure qualité que les eaux de surface. Au niveau économique, cela permet donc de diminuer le coût de traitement de l’eau : puisqu’elle est déjà d’une qualité extrêmement bonne, elle a à peine besoin d’être traitée. Sur le plan environnemental, les eaux souterraines servent à maintenir des écosystèmes : par exemple, des ruisseaux et des rivières, situés dans des endroits qui sont régulièrement en période de sécheresse, peuvent continuer à être alimentés en eau, grâce à la nappe phréatique. Et, sur le plan social, l’immense majorité de la population rurale dépend de l’eau souterraine. C’est une ressource fondamentale.

Les eaux souterraines sont-elles en danger ?

Oui, absolument. Pour s’assurer que les eaux maintiennent leur excellente qualité, il faut les protéger, afin d’empêcher les contaminations. Une fois que les eaux souterraines sont contaminées, la situation est irréversible. On distingue trois sources de contamination. Il y a d’abord l’agriculture. C’est une contamination à base de nitrates, à cause des fertilisants. Ensuite, il y a les eaux usées : 80 % des eaux usées sont rejetées dans l’environnement sans traitement, car il y a des endroits où il n’y a pas de services d’assainissement, et cela finit par toucher les eaux souterraines. La troisième source de pollution se situe au niveau industriel. Si les industries jettent leurs déchets directement sur les sols, il existe un risque que ces contaminants se retrouvent dans l’eau souterraine.

Avec ce rapport, quel message souhaitez-vous faire passer ?

D’abord, de prendre conscience du potentiel énorme qu’offrent les eaux souterraines, et deuxièmement de réaliser que ce potentiel est vulnérable. Si on ne fait pas assez attention, on risque de perdre ce potentiel. Il faut que cette ressource soit mieux étudiée : on ne peut pas gérer ce qu’on ne connaît pas. Cela nécessite des équipements, des personnes pour analyser les données et des institutions pour organiser tout ça.