Le crime d’écocide serait-il en passe d’être reconnu au sein de l’UE ? Le Parlement européen et les Etats membres en ont jeté les bases jeudi 16 novembre en parvenant à un accord provisoire qui allonge la liste des crimes environnementaux et harmonise les sanctions prévues au sein des pays. Le commerce illégal de bois, l’importation d’espèces invasives, la pollution causée par les navires comme les marées noires, l’épuisement illégal des ressources en eau ou encore les violations des lois sur les produits chimiques (Pfas, mercure…) sont désormais reconnus comme des infractions environnementales.
Si le terme d’«écocide», actuellement en discussion au niveau international, n’a pas été retenu, le texte introduit la notion d’«infractions qualifiées», alignée sur la proposition de définition internationale de l’écocide, explique l’eurodéputée française Marie Toussaint (Verts). Ces infractions concernent les comportements d’une exceptionnelle gravité, causant «la destruction d’un écosystème ou d’un habitat dans un site protégé, ou des dommages à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau», comme les cas de pollution étendue, de feux de forêt ou d’accidents industriels majeurs. De quoi permettre que «de nombreuses atteintes à l’environnement aujourd’hui non couvertes par le droit pénal [le soient] demain», se réjouit l’élue.
La criminalité environnementale en hausse de 5 % à 7 % par an
Ce nouveau texte modifie une directive européenne de 2008 jugée trop faible et peu efficace contre une criminalité environnementale en plein essor et parmi les plus lucratives pour le crime organisé au niveau mondial. «Selon les estimations de l’ONU, la criminalité environnementale représente en volume la 4e activité criminelle, en croissance de 5 % à 7 % par an», soutient l’eurodéputé Pascal Canfin (Renew), pour qui «il y avait urgence à agir».
Côté sanctions, l’accord prévoit des amendes et des peines d’emprisonnement. Les individus, y compris les représentants d’entreprises, coupables d’infractions environnementales entraînant la mort encourront une peine de dix ans d’emprisonnement. Quant aux «infractions qualifiées», elles seront punies de huit ans de prison. Les autres seront passibles de cinq ans d’emprisonnement, selon la durabilité, la gravité ou la réversibilité du dommage.
Tribune
Les entreprises qui transgresseraient les règles se verront de leur côté infliger des amendes à hauteur de 5 % de leur chiffre d’affaires mondial annuel ou 40 millions d’euros, dans les cas les plus graves. Pour les autres infractions, ce sera 3 % du chiffre d’affaires ou 24 millions d’euros. Elles pourront aussi être privées de financements publics et seront tenues de réparer les dommages et d’indemniser les victimes. Marie Toussaint estime que «ces sanctions restent toutefois relativement faibles» et déplore que les amendes soient à montant fixe plutôt que proportionnel au chiffre d’affaires.
Par ailleurs, les personnes signalant des infractions bénéficieront d’un soutien et les magistrats, les procureurs, la police et les autres personnels judiciaires devront suivre une formation régulière spécialisée. Les Etats membres, eux, sont désormais tenus d’élaborer des stratégies nationales de lutte contre la criminalité environnementale.
«Tolérance zéro»
Pour le rapporteur néerlandais Antonius Manders (Démocrates-Chrétiens), le texte entérine «la tolérance zéro à l’égard de la criminalité environnementale». «Il n’y a plus de moyens de déroger à la règle, que ce soit grâce à des permis ou des vides juridiques. Cette loi est à l’épreuve du temps, ce qui signifie que la liste des infractions sera tenue à jour. Si vous polluez, vous paierez pour vos crimes». Le ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu, lui aussi, s’est félicité de cet accord au micro de France Inter ce vendredi : «On aime bien décrier l’Europe […] mais on est en train de constituer un arsenal pour préserver la planète et placer chacun devant ses responsabilités.»
De son côté, la Commission européenne célèbre «un moment historique». «Une fois la nouvelle directive entrée en vigueur, les Etats membres devront inclure dans leur droit pénal des définitions plus précises des catégories d’infractions environnementales, ainsi que des sanctions dissuasives pour les contrevenants», annonce-t-elle dans un communiqué. L’accord conclu jeudi doit encore faire l’objet d’une adoption formelle par le Parlement européen et le Conseil, avant qu’il puisse entrer en vigueur.