En résumé :
- Une femme de 65 ans environ, habitant à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, a été retrouvée morte à son domicile mercredi, au lendemain du départ de feu dans la commune de Ribaute dans l’Aude.
- Plus de 16 000 hectares sur 15 communes de l’Aude ont brûlé depuis mardi. Un bilan provisoire fait état de 35 véhicules brûlés et 25 habitations endommagées.
- Plus de 2 000 pompiers luttent contre cet incendie, le plus important de l’été, appuyés par 600 véhicules et des moyens aériens «quasiment inédits». Des militaires et 400 soldats du feu arrivent en renfort.
- L’autoroute A9, qui longe la Méditerranée entre Montpellier et Barcelone, fermée mardi soir dans les deux sens de circulation, a pu rouvrir mercredi après-midi grâce au changement de direction du vent.
Avec plus de 16 000 hectares brûlés et au moins un mort, le feu en cours dans la région de Narbonne depuis mardi est l’un des pires que la France ait connus. Pour les habitants, les touristes ou même les pompiers, impuissance et incompréhension s’installent. Lire le reportage de nos envoyés spéciaux, Léonard Cassette et Margaux Gable.
Dans un communiqué publié sur son compte X, la préfecture de l’Aube a fait état d’une personne morte, de deux blessés civils dont un en urgence absolue, et de onze blessés parmi les sapeurs-pompiers dont un en urgence absolue. Trois personnes ont par ailleurs été signalées absentes par leurs proches. Dix-sept centres d’hébergement provisoires dans dix-sept communes des environs ont été mis à disposition pour les personnes évacuées, poursuit le document. Ce qui représente une capacité d’accueil de 1 759 personnes. La préfecture rappelle également que la cellule d’information au public reste active et joignable au : 09 70 80 90 40.
La tramontane, un vent sec et chaud qui renforce le feu, a été supplantée ce mercredi après-midi par un vent marin qui soufflera encore jeudi, et «va apporter de l’air plus humide qu’avant, ce qui est moins favorable à la propagation du feu», a déclaré François Gourand, prévisionniste chez Météo-France. Mais il est trop tôt pour les centaines d’habitants évacués mardi soir pour regagner leur domicile, a prévenu la préfecture. Les autorités ont réitéré leurs consignes de sécurité à la population, appelant à «rester confinés sauf ordre d’évacuation donné par les sapeurs-pompiers» et à ne pas encombrer le réseau routier pour ne pas gêner les secours.
Pendant que certaines populations sont appelées à se confiner dans leurs maisons, d’autres sont évacuées sur ordre des pompiers. Comment les choses se décident-elles sur le terrain ? Lire l’article de Coppélia Picolo.
Au poste de commandement des pompiers, le colonel Christophe Magny, patron du Service d’incendies et de secours de l’Aude, a expliqué au Premier ministre, accompagné du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, l’action sans relâche des 2 500 pompiers dépêchés sur place. Sur les 90 kilomètres de lisières, les flammes mesurent de 10 à 15 mètres de haut, et, au plus fort de la propagation, elles se sont déplacées à une vitesse de 1 000 hectares à l’heure.
Sur son compte X, Météo-France publie une série d’images satellites qui attestent de l’ampleur de l’incendie, dont la fumée est visible depuis l’espace.
Depuis mardi, l'Aude est touchée par un très violent incendie, dont le panache de fumée est visible depuis l'espace. ⬇️
— Météo-France (@meteofrance) August 6, 2025
🟠 Ces 2 prochains jours, le danger de feu reste élevé sur plusieurs départements du sud de la France, selon la Météo des forêts : https://t.co/McwufCGXaC pic.twitter.com/NdhO9H2XVX
Au dessus de l’incendie de l’Aude, ce mercredi, la formation d’un pyrocumulus a suscité l’inquiétude pour les prochains jours. Les pyrocumulus se forment au-dessus d’une source de chaleur intense. Lorsque la surface du sol se réchauffe, à cause d’un incendie de forêt ou d’une éruption volcanique par exemple, une poche d’air chaud monte dans l’atmosphère. Cette dernière se refroidit, et l’eau qu’elle contient, issue des plantes brûlées, se condense. La poche d’air provoque alors des colonnes de nuages bruns remplis de chaleur, de particules de fumées, et de cendres. Surtout, ce nuage épais génère son propre climat : il peut déclencher des rafales de vents qui attiseront encore plus les flammes. Et si l’incendie est très important, ce qui est le cas dans l’Aude, le pyrocumulus peut se transformer en pyrocumulonimbus, un nuage capable de provoquer des éclairs dans les zones sèches, attisant de nouveaux départs de feu.
🔴 DIRECT 11h45 : l’incendie de l’Aude regagne en intensité depuis quelques minutes. Un #pyrocumulus se forme et est visible depuis Narbonne 🔥 #Aude #incendie #feu pic.twitter.com/aiMiIOHOsG
— InfOccitanie (@infoccitanie) August 6, 2025
François Bayrou, qui s’est déplacé dans l’Aude avec le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, a évoqué ce mercredi un «plan de sauvegarde et d’avenir» dont «les Corbières pourraient être le laboratoire», et dont l’élaboration se ferait en concertation entre le gouvernement, les parlementaires, les élus locaux et les responsables professionnels.
Après leur visite à Saint-Laurent-De-La-Cabrerisse, François Bayrou et Bruno Retailleau se sont exprimés face à la presse. «C’est une catastrophe d’ampleur inédite», a lancé le Premier ministre, affirmant que l’événement d’aujourd’hui est «lié au réchauffement climatique et à la sécheresse.» De son côté, le ministre de l’Intérieur a détaillé les effectifs mobilisés pour lutter contre les flammes : «2 150 sapeurs-pompiers avec 600 véhicules, des moyens aériens quasiment inédits», ajoutant que des militaires ainsi qu’une dizaine d’hélicoptères arriveront bientôt dans le département. Concernant le déclenchement de l’incendie, François Bayrou a indiqué que «l’enquête est en cours», mais ne serait pas a priori d’origine criminelle.
Face à l’incendie dans l’Aude, l’Union européenne s’est dit ce mercredi «prête à mobiliser» des moyens, «si nécessaire», a affirmé la commissaire européenne chargée des situations de crise, Hadja Lahbib. Ce dispositif d’aide internationale a vu le jour en 2001. Son objectif : «renforcer la coopération en matière de protection civile, détaille la Commission sur son site, qui rappelle que «les catastrophes ne connaissent pas de frontières». Ainsi, lorsqu’un pays connaît une catastrophe (épidémie, guerre, inondation, feux de forêt…) et que ses capacités de réponse sont dépassées, il peut faire appel à ce mécanisme. Les pays participants peuvent ensuite répondre favorablement ou non à l’appel, en envoyant des équipes de terrain ou du matériel.
Le Premier ministre François Bayrou et son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sont arrivés à Saint-Laurent-De-La-Cabrerisse (Aude), où ils échangent avec le maire de la commune et le directeur du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du département. Ce village est le plus durement touché par l’incendie toujours en cours. Une femme de 65 ans y est morte après l’effondrement de son toit et neuf personnes ont été blessées, dont une sévèrement. Plus 25 maisons ont été réduites en cendres.
Alors que le feu se dirigeait vers le sud-est et le littoral méditerranéen ce mercredi, le vent a changé de direction «et pousse l’incendie à revenir vers son point de départ», a déclaré la secrétaire générale de la préfecture de l’Aude Lucie Roesch. «Le vent et la trajectoire du feu évoluent. On réajuste le dispositif. L’incendie va vers des zones boisées assez inaccessibles», a-t-elle ajouté.
Avec 16 000 hectares brûlés, le feu dans l’Aude est le plus important en cinquante ans. En 2022, lors des incendies de Gironde, le feu de Landiras avait parcouru 13 800 hectares, selon un rapport sénatorial d’août 2022. La même année, le feu de la Teste-de-Buch avait brûlé 7 000 hectares.
A Lagrasse, village de 500 habitants à quelques kilomètres des flammes, les habitants scrutent le ciel pour suivre l’évolution de la situation. «Quand on entend beaucoup d’hélicoptères et que les fumées s’épaississent, c’est mauvais signe», raconte Alexandra Orracz. Son hôtel-restaurant a vu son affluence diminuer de 50 % sur les deux derniers jours. «Je viens de prévenir mes clients qui ont réservé ce soir que pour l’instant on reste ouvert, même si on risque de devoir évacuer d’une minute à l’autre», regrette-t-elle.
Face à la multiplication des risques d’incendie, le commandant Eric Brocardi, porte parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, appelait mi-juillet dans les colonnes de Libé au sursaut de l’Etat pour renforcer les équipes et les moyens de lutte.
Interview
Le département de l’Aude est partiellement couvert d’une garrigue, cette formation végétale basse remplie de buissons denses. Pour Anthony Collin, enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine et spécialisé dans le domaine des incendies, «le problème d’un tel paysage est que contrairement aux grands arbres qui se consument lentement, les buissons épais brûlent extrêmement vite». Le chercheur souligne également que le vent joue un rôle crucial dans la propagation du feu car «plus il souffle, plus les flammes se couchent et embrasent sans interruption tout ce qu’elles trouvent sur leur passage», soit la végétation épaisse et broussailleuse qui couvre ce terrain.
La circulation a repris sur l’autoroute A9, principal axe routier entre la France et l’Espagne, après avoir été interrompue mardi soir en raison du gigantesque incendie qui ravage le massif des Corbières, a annoncé la préfecture de l’Aude. «Le changement de direction du vent […] nous permet de rouvrir l’autoroute», a ainsi déclaré le sous-préfet de l’Aude Rémi Recio.
«Ce drame humain est le visage concret du dérèglement climatique», a déclaré dans un communiqué la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. En effet, des températures plus élevées favorisent l’évapotranspiration des plantes. La végétation s’asséchant, elle devient plus sensible au développement des incendies, pointe Météo-France. En outre, la baisse de la pluviométrie sur certaines régions durant les saisons propices aux feux aggrave les risques. Sans oublier que des hivers plus chauds favorisent les attaques de parasites (insectes et champignons), entraînant des dépérissements importants de certaines forêts. Une fois morts, ces végétaux deviennent particulièrement vulnérables et constituent un stock de combustible disponible extrêmement important pour les incendies, souligne l’institut météorologique.
Connaissant une sécheresse continue et prolongée, l’Aude est placée en situation de crise sécheresse depuis le 1er août, le département faisant l’objet de restrictions d’usage de l’eau, rappelle le Ministère de la Transition écologique dans un communiqué. La situation hydrique des Pyrénées-Orientales voisines, qui ont vu leurs précipitations réduites d’environ 60 % depuis 2022, a aggravé le stress hydrique de la région et fortement joué dans la propagation de l’incendie, notamment du fait d’une végétation desséchée, pointe encore le ministère. A ce jour, 32 départements sont en situation de crise sécheresse, 14 en alerte renforcée, 27 en alerte et 18 en vigilance. Et la situation devrait encore s’aggraver dans les prochains jours.
Jean-Louis Tripp, 67 ans, habite à Talairan, un petit village dans le sud de l’Aude. Joint par Libération, il raconte voir l’incendie aux portes de chez lui : «Notre village est vraiment à la frontière de l’incendie. C’est comme si les flammes passaient au large, à environ un kilomètre de chez nous. Hier, je les ai regardées pendant 30 minutes. Elles évoluaient à une vitesse folle, on voyait que l’incendie avançait à l’œil nu. Autour de chez nous, toutes les routes sont coupées, d’un côté parce qu’il y a le feu, de l’autre pour que les pompiers puissent circuler. Nous, au milieu, on est à la fois isolés et en sécurité. Et comme le vent souffle dans le bon sens, on ne sent même pas la fumée, on la voit juste. C’est assez étrange. C’est comme si tout était normal, mais en même temps il y a les pompiers que l’on voit passer, l’épicerie qui leur prépare des sandwichs, les évacués de la Jonquières, un village juste à côté, qui ont passé la nuit dans la salle communale… Ce n’est pas le premier incendie que l’on a cet été dans le coin, mais celui-ci est de loin le plus impressionnant. On voit le panache de fumée depuis la frontière espagnole. Les rares canadairs paraissent tellement petits et impuissants face à lui. Autour de chez nous, c’est un mélange de forêts et de vignes. Ce qui me désole, c’est de me dire qu’après tout ça, il va falloir peut-être vingt ans pour que ça redevienne comme avant.»