C’est une instance peu connue du grand public qui permet pourtant d’inclure les citoyens dans le processus des grands projets présentant un impact sur l’environnement. Ce mardi 25 mars, les dix salariés et près de 300 collaborateurs de la Commission nationale du débat public (CNDP) ont été appelés à faire grève, un mouvement inédit pour alerter sur la «menace» qui les vise. Une opération de tractage à l’entrée du ministère de la Transition écologique, qui abrite les bureaux de la structure, a également été menée pour informer les agents sur les réformes en cours. Car dans le cadre du projet de loi de simplification, censé faciliter la vie des entreprises, le gouvernement souhaite exclure les projets industriels de plus de 600 millions d’euros du débat public. Cela constitue pourtant une grande partie des activités de la CNDP.
«Mines, usines, projets d’exploitation pétrolière, de gaz de schiste, industries de toutes natures et de toutes tailles pourraient se lancer en France sans la moindre concertation garantie par la CNDP», déplore le syndicat SNE-FSU. Et d’ajouter : «Les débats publics autour des nouveaux projets industriels sont l’une des rares occasions pour les citoyennes et les citoyens de donner leur avis sur les orientations prises par les dirigeants politiques sur l’avenir énergétique et industriel du pays et leurs traductions dans leur quotidien.» Concrètement, jusqu’à maintenant pour un grand projet tel que les futurs EPR ou une mine de lithium, un débat était ouvert pendant maximum quatre mois, avec tous les documents mis à disposition du grand public. La commission faisait ensuite un compte rendu et l’industriel avait trois mois pour dire dans quelle mesure il prenait en compte les retours.
«Florilège de tentatives de reculs»
Le Réseau Action climat (RAC), fédérant 27 associations nationales, apporte, lui, son soutien à un «organe démocratique incontournable», qui a par exemple permis l’abandon total du projet d’exploitation minière en Guyane dit «Montagne d’Or» et de faire évoluer d’autres projets. Le RAC regrette également que «le projet de loi de simplification de la vie économique se transforme en florilège de tentatives de reculs sur la transition écologique et juste».
«Le gouvernement veut libérer tous les projets industriels des obligations qu’ils ont aujourd’hui d’informer et de consulter le public», assène Florent Guignard, responsable du suivi des débats publics à la CNDP. Il précise qu’il n’est «pas convaincu» par la possibilité laissée aux entreprises de saisir l’instance volontairement. «C’est arrivé par le passé mais cela est rare. Ce qui donne du poids à la CNDP, c’est son caractère obligatoire, argue-t-il. Nous demandons au gouvernement de retirer cette réforme inquiétante, injuste et contre-productive.» Il souhaite également que la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, muette sur le sujet, «se positionne».
Ironie de l’histoire, la commission a été créée en 1995 par la loi Barnier, qui a instauré le débat public en France. Le même Michel Barnier qui, devenu Premier ministre en septembre 2024, a voulu exclure l’industrie du champ d’action de la CNDP via un décret. Son prédécesseur, Gabriel Attal, s’était déjà dit favorable, en janvier 2024, à un «recentrage des travaux de la Commission sur les projets d’envergure nationale». François Bayrou a ensuite repris l’idée du décret de Michel Barnier, qui a finalement été retoqué par le Conseil d’Etat. Mais le gouvernement devrait finalement profiter de la loi simplification pour introduire sa mesure par amendement lors de la prochaine séance publique à l’Assemblée nationale, le 8 avril.
Lundi 24 mars, la CNDP a également échappé à un amendement du Rassemblement national, finalement rejeté, qui proposait sa suppression pure et simple. Le syndicat SNE-FSU y lit une volonté idéologique : «La logique à l’œuvre pour affaiblir la CNDP est la même que celle qui menace aujourd’hui l’OFB, l’Ademe ou l’Agence bio : diminuer la protection de l’environnement, affaiblir ceux qui en sont les garants, et donner des gages à l’extrême droite qui, depuis longtemps, veut supprimer ces organismes.»