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Interview

Episode méditerranéen : un phénomène «précoce», insuffisant pour les nappes phréatiques des Pyrénées-Orientales

Depuis ce dimanche 28 avril, l’Occitanie subit des précipitations intenses, en raison d’un nouvel épisode méditerranéen. Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France explique que ce phénomène, qui se déroule d’ordinaire à l’automne, n’a rien «d’exceptionnel», et ne permettra pas de recharger les nappes asséchées des Pyrénées-Orientales.
Un orage ainsi qu'une violente tempête de grêle ici dans un jardin à Canohès dans les Pyrénées-Orientales. (Quentin de Groeve/Hans Lucas. AFP)
publié le 30 avril 2024 à 18h05

Des trombes d’eau impressionnantes, des éclairs foudroyant le ciel et des rafales de vent spectaculaires : depuis le début de l’année, ces images ne sont pas rares. La France a ainsi connu sept épisodes méditerranéens, dont des épisodes cévenols, lors des trois derniers mois. Même si ce phénomène n’est pas «exceptionnel», Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France, explique qu’il se déroule d’ordinaire davantage à l’automne, période durant laquelle ces précipitations peuvent recharger les nappes phréatiques. A l’inverse des événements actuels.

Le week-end dernier, de fortes pluies et des orages ont touché l’Occitanie, notamment sur les Cévennes. Après cet épisode cévenol, un épisode méditerranéen va prendre le relais pour ce début de semaine. Qu’est-ce qui différencie ces deux phénomènes ?

Les deux génèrent des pluies diluviennes, des orages et des vents violents. La principale différence entre ces deux phénomènes tient à leur localisation. Lorsque l’on parle d’épisode cévenol, les pluies vont se concentrer sur les Cévennes, c’est-à-dire sur les départements de l’Hérault, du Gard ou encore de la Lozère.

Par contre, on parle d’ «épisode méditerranéen» lorsque ce phénomène de plusieurs jours touche l’ensemble du pourtour méditerranéen, des Pyrénées-Orientales jusqu’aux Alpes-Maritimes. L’épisode que l’on est en train de connaître depuis ce dimanche, et qui va progressivement se terminer ce jeudi, touche principalement l’ouest du pourtour méditerranéen et la partie Languedoc-Roussillon, notamment les Pyrénées-Orientales, l’Aude et l’Hérault. Il se traduit par des précipitations intenses, très souvent sur des durées relativement courtes. Il engendre des cumuls de précipitations élevés, et encore plus élevés au niveau des reliefs, lorsque les précipitations se bloquent sur les montagnes.

Vu l’état de sécheresse des sols, la plus grande partie des précipitations devrait pouvoir s’infiltrer. D’éventuelles inondations en milieu urbain vont dépendre de l’urbanisation des territoires touchés.

Cet épisode méditerranéen est le septième depuis le mois de février. Est-ce exceptionnel ?

Exceptionnel, non. Mais il faut noter que les épisodes méditerranéens sont généralement plus courants, et plus intenses en termes de précipitations, durant les mois d’automne. On peut alors considérer que les épisodes que nous avons affrontés au mois de février sont précoces, mais ils ne sont ni inédits ni exceptionnels. Les cumuls de précipitations enregistrés ce week-end restent par exemple plus faibles que ceux observés lors des épisodes méditerranéens qui se déroulent de septembre à novembre. Les cumuls de précipitations enregistrés ces derniers jours sont autour de 50 mm sur une journée. Alors que sur des épisodes automnaux plus intenses, on peut dépasser 100 mm.

Il s’agit néanmoins de la borne haute. L’année 2024 sera une des années où l’on aura eu le plus d’épisodes méditerranéens sur la fin de l’hiver et le début du printemps.

Après deux ans de sécheresse historique, des pluies ont arrosé les Pyrénées-Orientales ce dimanche 28 avril, et se poursuivent ce mardi. Est-ce suffisant pour améliorer la situation dans ce département, le plus sec de France ?

Oui et non. Oui, dans le sens où ces pluies vont être bénéfiques pour la végétation et vont permettre de réhumidifier légèrement le sol en surface. Pour autant, ces pluies ne sont pas suffisantes pour permettre au sol de retrouver le niveau normal de saison pour la fin d’un mois d’avril, car elles vont très peu s’infiltrer dans les nappes phréatiques. On considère en effet que les nappes se remplissent généralement entre le mois de septembre et le mois de mars. A cette période, les températures sont plus fraîches, les pluies s’évaporent moins dans l’atmosphère, la végétation est en dormance et va puiser une quantité d’eau moindre dans les sols.

Au mois d’avril, les températures sont déjà reparties à la hausse, les précipitations s’évaporent rapidement et l’eau est directement captée par la végétation. Ces pluies arrivent ainsi trop tard. Les premiers épisodes seulement, qui ont eu lieu dès le mois de février avec des pluies intenses et durables, ont permis de remplir les nappes phréatiques de manière générale en France. Pour ne plus parler de sécheresse dans les Pyrénées-Orientales, et pour que les sols retrouvent un niveau normal d’humidité, il faudrait que l’on ait les mêmes pluies que l’on a eues ce week-end, mais sur une période plus longue. Il faudrait des pluies continues, et pas seulement sur quatre jours. Et pour retrouver un état normal des nappes phréatiques, cela nécessiterait des précipitations bien supérieures à la normale, excédentaires ; mais seulement cet automne et cet hiver, lorsque les nappes se remplissent.