Le surtourisme aura-t-il la peau des galets ? A Etretat, les visiteurs affluent sur les sentiers côtiers, profitant des paysages qui ont inspiré les plus grands peintres impressionnistes. De ces balades grandioses, certains tiennent à emporter un souvenir, empochant les galets qui parsèment la plage, coincée entre les falaises d’Aval et d’Amont. Un geste en apparence anodin mais aux conséquences néfastes pour la préservation du littoral. C’est le message que porte l’association de défense de la nature Etretat demain, qui a annoncé jeudi 19 septembre avoir reçu un drôle de colis. A l’intérieur : quatre galets, et un mot. Des touristes expliquent avoir vu le reportage sur le surtourisme dans la commune normande, diffusé en mai sur France 5 dans l’émission Sur le front d’Hugo Clément. Ils avaient emporté les cailloux il y a neuf ans, et souhaitent désormais qu’elles retrouvent la plage, où leur rôle est primordial pour protéger les falaises et le village des tempêtes, rapporte France Bleu.
«La plage se vide progressivement»
En effet, «les galets ont un rôle essentiel pour la protection des falaises et de notre village face aux vagues, notamment pendant les tempêtes, c’est une barrière naturelle», rappelle Shaï Mallet, cofondatrice d’Etretat demain. Ces cailloux polis ralentissent la houle qui vient frapper le perrey, la digue d’Etretat, limitant ainsi les risques de submersion marine, phénomène que la ville a connu en 1990 et 2016, selon l’Office du tourisme. Il est donc interdit, sous peine d’amende, de les ramasser.
Or, avec 1,5 million de visiteurs par an, la côte se fait tout de même dépouiller de ses précieux cailloux. «Ça paraît n’être rien, mais si tout le monde en prend même qu’un seul, la plage se vide progressivement», explique Shaï Mallet. En 2019, une association avait estimé qu’entre 300 et 400 kilos de galets étaient emportés chaque jour de l’été sur la plage.
Au chevet des sites naturels français
En plus de cette pression anthropique, de nombreux milieux de ce genre sont en proie à une disparition progressive. En comparant d’anciennes cartes du littoral breton, confronté aux mêmes risques, et le trait de côte actuel, les scientifiques de l’Université de Bretagne occidentale et du CNRS ont constaté qu’environ 70 % des sites étudiés manifestent des signes d’érosion sur la période récente (1930-2010).
La cause est avant tout naturelle puisque les falaises ne s’érodent pas assez pour fournir des galets en quantité suffisante. Mais par ses prélèvements massifs de cailloux, l’homme a amoindri par endroits le stock disponible, là où ses activités se concentrent et se perpétuent depuis plusieurs décennies. Shaï Mallet, elle, a filmé la remise en liberté des quatre galets, pour qu’ils retrouvent leur site d’origine, espérant sensibiliser à la préservation de ce fragile écosystème.