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Changement climatique

Fonte inédite des glaciers, océans en surchauffe, banquise antarctique rétrécie : les trois records de 2023 les plus inquiétants, selon l’Organisation météorologique mondiale

Ce mardi 19 mars, l’organisme dépendant des Nations unies publie son panorama annuel sur l’état du climat en 2023. Des données inédites révèlent que la température moyenne de la Terre s’est hissée 1,45°C au-dessus de celle de l’ère préindustrielle.
L’étendue de la glace de mer autour du continent Antarctique a atteint un minimum historique en février, avec une surface de seulement 1,79 million de km². (Sebnem Coskun/Anadolu.AFP)
publié le 19 mars 2024 à 14h00

Voici de quoi enterrer définitivement 2023. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) publie ce mardi un rapport complet sur le climat de l’année passée, particulièrement «hors normes», avec son cortège d’événements extrêmes et de records pulvérisés. «Les vagues de chaleur, les inondations, les sécheresses, les incendies de forêt et l’intensification rapide des cyclones tropicaux ont semé la misère et le désordre, bouleversant la vie quotidienne de millions de personnes et entraînant des pertes économiques de plusieurs milliards de dollars», résume cet organisme des Nations unies chargé d’étudier la météo, le climat et l’état des ressources en eau. En cause, le changement climatique, et, dans une moindre mesure, le phénomène périodique naturel El Niño.

Le texte «montre une planète au bord du gouffre» alors que «la pollution par les combustibles fossiles provoque un chaos climatique sans précédent», a commenté mardi après-midi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, à l’occasion du dévoilement du rapport.

Une flopée de records

Au début du document d’une cinquantaine de pages, Celeste Saulo, secrétaire générale de l’OMM, confirme que 2023 «a été de loin l’année la plus chaude enregistrée». La température moyenne à la surface de la Terre s’est hissée 1,45°C au-dessus de celle de l’ère préindustrielle selon l’institution, avec une marge d’erreur possible de 0,12°C. Cela rejoint donc l’estimation un peu plus élevée rendue publique début janvier par l’observatoire européen du climat, Copernicus, qui donnait +1,48°C. «Le changement climatique ne se limite pas aux températures, souligne la secrétaire générale de l’OMM. Ce que nous avons observé en 2023, notamment le réchauffement sans précédent des océans, le recul des glaciers et la perte de glace de mer dans l’Antarctique, est particulièrement préoccupant.» Le rapport étaye ces trois points marquants, parmi une flopée d’autres records.

Le plus marquant concerne le retrait des géants blancs. Selon des données préliminaires révélées par l’OMM, les 60 glaciers de référence sur la planète ont subi la perte de glace la plus importante jamais enregistrée depuis 1950. L’équivalent de 1,2 mètre d’eau a disparu à leur surface, soit un peu plus que l’année précédente. Le phénomène a été le plus intense dans l’ouest de l’Amérique du Nord et en Europe. «Sept des dix années où le bilan massique est le plus négatif se sont produites depuis 2010», précise le rapport. Les glaciers suisses ont, par exemple, enregistré la deuxième fonte la plus massive en 2023, derrière 2022. Au total, ils «ont perdu environ 10 % de leur volume restant en seulement deux ans, relate l’OMM. Cela est dû au faible manteau neigeux et aux étés chauds chaque année».

L’ouest de l’Amérique du Nord a, lui, connu un amincissement annuel moyen de plus de 3,5 mètres dans les Rocheuses canadiennes et le sud de la chaîne côtière, du jamais-vu là encore. C’est cinq fois plus que la moyenne 2000-2019. En plus du manque de neige, d’une «intense vague de chaleur printanière» et de températures suffocantes l’été, les incendies monstres ont aussi joué : les cendres ont assombri la surface des glaciers. Or les couleurs foncées absorbent davantage les rayons du soleil, ce qui a précipité le réchauffement et la fonte de la glace, explique l’OMM.

La glace de mer réduite en Antarctique

Dans le monde du froid, l’Antarctique a lui aussi étonné les scientifiques. L’étendue de la glace de mer autour de ce continent a atteint un minimum historique en février, avec une surface de seulement 1,79 million de km². Puis, à la période où l’étendue atteint d’habitude son maximum, en septembre, il manquait environ 1,5 million de kilomètres carrés par rapport à la norme. C’est un million de km² de moins que le précédent record, établi en 1986. L’équivalent de la taille de la France et de l’Allemagne réunies. Une mauvaise nouvelle car quand elle est réduite, cette banquise blanche réfléchit moins les rayons du soleil et l’océan se réchauffe davantage. Elle joue aussi un rôle de barrière pour que les énormes glaciers posés sur le continent Antarctique ne s’écoulent pas trop vite jusque dans la mer.

La difficulté à former de la glace de mer est en partie la conséquence d’une température de l’eau totalement en surchauffe en 2023. Le thermomètre moyen des océans a dépassé pour la première fois la barre des 21°C. Des vagues de chaleur marines ont sévi dans de grandes parties du globe. Elles sont dévastatrices pour la biodiversité et ont mené à des épisodes de blanchissement sévères pour les coraux. «En 2023, lors d’une journée moyenne, près d’un tiers de l’océan mondial a été frappé par une vague de chaleur marine, qui a porté atteinte à des écosystèmes vitaux et à des systèmes alimentaires», a calculé l’OMM.

Une partie de l’explication tient au phénomène El Niño, qui réchauffe les eaux du Pacifique tous les cinq à sept ans. Au final, plus de 90 % de l’océan a connu des conditions de canicule à un moment ou à un autre de l’année. Y compris dans des zones qui ne sont pas d’ordinaire affectées par El Niño, et où d’autres pistes d’explications «sont encore à l’étude», précise l’OMM. C’est le cas pour l’Atlantique nord, dont les vagues de chaleur ont été «persistantes et largement répandues», du printemps jusqu’à la fin de l’année, avec des anomalies de température jusqu’à +3 degrés. La Méditerranée a elle aussi été «inhabituellement chaude par rapport à la période de référence» et a subi des canicules marines «fortes et sévères pour la douzième année consécutive».

L’année qui s’annonce pourrait être tout aussi chaotique. «Il y a une probabilité élevée que 2024 batte à nouveau le record de 2023», a fait savoir Omar Baddour de l’OMM, lors de la conférence de presse de présentation du rapport. L’OMM avait déjà prévenu de cette possibilité en janvier. «Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre plus longtemps, avait alors déclaré Celeste Saulo. Nous agissons déjà, mais nous devons faire davantage et nous devons le faire rapidement. Nous devons réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et accélérer la transition vers les sources d’énergie renouvelables.»

Actualisé à 15 h 05 avec les déclarations d’António Guterres et celles de la conférence de presse sur 2024.