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Interview

Incendie en Grèce : «En France, le cocktail à la base de ce feu n’est pour l’instant pas réuni»

Au regard des feux violents qui menacent Athènes, Mathieu Regimbeau, responsable de la division feu de forêts à Météo France, estime auprès de «Libé» qu’un tel phénomène en France est pour le moment à exclure en raison de conditions météo.
Une maison brûle lors d'un incendie de forêt à Varnavas, au nord d'Athènes, le 11 août 2024. (Angelos Tzortzinis/AFP)
publié le 12 août 2024 à 19h44

Laissant derrière lui un paysage apocalyptique, un violent incendie se propage à travers la Grèce et menace Athènes ce lundi 12 août. De quoi redouter des feux qui pourraient ravager une France suffocante sous une vague de chaleur ? Mathieu Regimbeau, responsable de la division agrométéorologie et feu de forêts à Météo France, explique à Libération les causes du sinistre en Grèce, les différences avec la situation française et les risques qui menacent tout de même nos forêts.

Les flammes enserrent Athènes pendant que la France subit une intense vague de chaleur. Des feux d’ampleur sont-ils aussi à craindre dans l’Hexagone ?

La sécheresse de la végétation en France ne peut, pour l’instant, pas suffire à reproduire les feux qui ont lieu en ce moment en Grèce. En effet, il faut deux ingrédients majeurs pour faire naître des conditions propices aux incendies : d’une part, une végétation sèche ; et d’autre part, des dispositions météos précises qui vont, non pas créer un feu, mais expliquer l’aggravation de celui-ci.

Et c’est notamment lorsque l’on a une combinaison de ces deux éléments, avec des températures bien au-delà des 30 °C, une humidité très faible et un vent très fort, que les risques de départ de feux s’aggravent. On retrouve ce cocktail redoutable en Grèce, avec des 39 °C atteints, des taux d’humidité très bas – de l’ordre de 30 % – et surtout des vents à plus de 50 km/h.

En France, ce cocktail n’est pas réuni. Si l’on prend par exemple le cas de la Nouvelle-Aquitaine, qui a été victime de plusieurs départs de feu ce dimanche, des températures caniculaires ont été enregistrées sur place, les taux d’humidité sont descendus très bas, mais nous n’avons clairement pas atteint des vents de 50 km/h. Grâce à ce vent très peu puissant, la sécurité civile a alors été en mesure de gérer l’incendie, et de répondre rapidement à l’urgence.

Quelles seraient les régions françaises les plus à risques en cas de départ de feu ?

En France, la végétation est actuellement très sèche sur plusieurs départements du pourtour méditerranéen et sur plusieurs zones des Pyrénées-Orientales. De même, sur la façade ouest, tous les départements de Nouvelle-Aquitaine sont à risque, car la végétation s’est asséchée avec les températures élevées de ces dernières semaines. Cette situation a alors pu entraîner, localement, quelques départs de feu.

Pour ces prochains jours, nous n’avons toutefois pas observé de conditions météo favorables au développement de feux de forêts ou de végétation dans ces zones. La Météo des forêts, en place depuis l’an dernier, permet notamment de renseigner sur les dangers à venir et de sensibiliser sur les départements les plus à risque. Mais au prochain épisode de vent fort – Mistral ou de Tramontane – allié à des températures élevées et une faible humidité, nous pourrions être soumis à des risques importants de feux de forêts.

D’autant que sous l’effet de l’augmentation des températures liée au dérèglement climatique, les feux démarrent plus tôt, dès le mois de mai, et surtout peuvent s’étendre jusqu’au mois d’octobre. Nous maintenons donc notre vigilance au-delà de la période estivale classique.

Les forts cumuls de pluies de ces derniers mois sont-ils susceptibles de limiter le nombre d’incendies ?

Nous avons eu un printemps très arrosé : le quatrième le plus pluvieux depuis les années 1950. Mais pour autant, cette quantité de pluie plus importante n’est pas une limitation pour les feux de forêt, dans le sens où elle a déjà été absorbée par les sols. Ils ne sont plus humides, et donc plus en état de limiter la propagation d’un feu.

Et pire encore : cette pluie a aidé à créer une grande quantité de végétation, qui est maintenant susceptible de brûler. Dans un sens, les fortes précipitations ont augmenté le combustible disponible pour les feux.