Chaque jour l’équivalent de 600 terrains de football est artificialisé sur le continent européen. Et la France n’est pas en reste : entre 2018 et 2023, 950 km² d’espaces naturels ont été bétonnés, soit neuf fois la superficie de Paris, révèle ce mercredi 1er octobre une enquête de journalistes et de scientifiques publiée par plusieurs médias européens et portant sur onze pays dont la Turquie. L’Hexagone se classe parmi ceux où le phénomène est le plus inquiétant, derrière la Turquie (1 860 km²) et la Pologne (1 040 km²).
Partout, l’artificialisation des terres va bon train. «Entre janvier 2018 et décembre 2023, nous avons perdu environ 9 000 km²» bruts de terres au profit de la construction, «une surface équivalente à la taille de Chypre», indiquent les auteurs de la publication, coordonnée par le réseau Arena for Journalism in Europe et intitulée «Du vert au gris». Chaque année, en moyenne, 1 500 km² d’espaces naturels et agricoles sont bétonnés en Europe.
Ces résultats suggèrent que les données de l’Agence européenne pour l’environnement «sous-estiment probablement l’ampleur de l’artificialisation en Europe», en réalité au moins 1,5 fois plus importante selon l’enquête, qui s’appuie sur une analyse d’images satellitaires à résolution fine et sur de l’IA.
En 2019, l’agence européenne avait montré que si «une zone considérable», d’une superficie légèrement plus petite que celle de la Slovénie, a été asphaltée entre 2000 et 2018 en Europe, le rythme de l’artificialisation avait ralenti, passant de quelque 1 090 km² par an (2000 et 2006) à 710 km² par an (2012 et 2018).
«On entend souvent dire : “Oh, on a accordé ce permis de construire parce qu’il ne faisait que 2 000 m², et alors ?“ Mais si on additionne tous ces permis à travers l’Europe, c’est énorme», fait remarquer Peter Verburg, professeur d’analyse spatiale environnementale à l’Université libre d’Amsterdam. L’artificialisation, pour construire des hébergements, usines ou routes mais aussi parfois des activités touristiques, se fait d’abord sur les espaces naturels – forêts, prairies zones humides, dont 900 km² sont détruits chaque année. 600 km² de terres agricoles sont elles aussi grignotées annuellement, avec de «graves conséquences sur la sécurité alimentaire et sanitaire».
«Nous sommes en train de bétonner notre avenir»
Ces pratiques accélèrent la disparition de la nature, essentielle à la survie de l’humanité. «Pendant des années, l’Europe a promis d’être un leader en matière de préservation du climat et de la nature, mais ce que montre cette enquête, c’est que nous sommes littéralement en train de bétonner notre propre avenir», dénonce Lena Schilling, eurodéputée et militante écologiste autrichienne.
En 2011, Bruxelles s’était donné pour objectif non contraignant de réduire l’artificialisation à 800 km² par an. Elle vise le zéro artificialisation nette des sols sur le continent d’ici 2050. Mais les tensions politiques internes à l’Union européenne ont conduit à détricoter ou amoindrir la portée de certains textes environnementaux. En France aussi, l’objectif de «zéro artificialisation nette» a été fortement assoupli par la loi de simplification de l’économie. Le pays pourrait donc peiner à sortir du top 3 des mauvais élèves européens.