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Climat Libé Tour Dunkerque : débat

«La sobriété va s’imposer à nous, qu’on le veuille ou non»

Ce vendredi 13 octobre à Dunkerque, lors du débat «Sobriété : l’énergie à tout prix ?», les intervenants se sont interrogés sur la manière dont ce concept indispensable à la stabilité énergétique peut progresser.
Chantal Jouanno, ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, et Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, à Dunkerque, vendredi 13 octobre. (Denis Allard/Libération)
publié le 13 octobre 2023 à 18h48
(mis à jour le 14 octobre 2023 à 13h07)

Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.

Depuis l’automne de l’an dernier, la question de la sobriété a été posée sur la table en France. Pas dans un élan décroissant ou une prise de conscience politique, mais par crainte d’une production énergétique trop faible dans l’Hexagone. Ce sujet est depuis désormais devenu central dans les projections énergétiques à long terme. «La sobriété est un impératif monumental mais elle va de toute manière s’imposer à nous, qu’on le veuille ou non», tranche Chantal Jouanno, ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, et actuellement chez Accenture.

«N’est-elle pas surtout un problème de riche ?»

A Dunkerque, les intervenants sont tour à tour revenus sur l’effet prix, qui explique en grande partie à leurs yeux la baisse de la consommation énergétique de plus de 10 %, dont s’est gargarisé le gouvernement. Un «effet prix considérable», rappelle Valérie Plagnol, commissaire à la Commission de régulation de l’énergie. «La sobriété n’est-elle pas surtout un problème de riche ?» demande d’ailleurs une spectatrice de 23 ans. Elle dit se priver de viande ou prendre beaucoup moins l’avion pour des considérations climatiques, avant d’ajouter : «Pourtant c’est cool de voyager ou de manger parfois de la viande mais si je fais tout ça pour voir Bernard Arnault se dorer la pilule sur son yacht…»

«Le terme ne renvoie pas la même chose pour toutes les catégories sociales de la population, le mot sobriété ne doit être un terme employé à la légère», précise de son côté Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, ajoutant que les catégories populaires l’ont bien plus subie que les plus aisés. Et de s’interroger sur l’effet de la sobriété contrainte : «Que va-t-il se passer quand les prix vont revenir à la normale ?»

«Changer notre récit collectif»

Au-delà de la baisse conjoncturelle de la consommation, il faut donc trouver des solutions structurelles. Enseignes lumineuses, publicité, repenser les mobilités… Et même baisser la clim dans la Halle aux sucres, qui accueille les débats, sourit Béatrice Delpech. «Des tas de gisements possibles ont été repérés et font l’objet d’une réglementation qui n’est pas appliquée», regrette par ailleurs la dirigeante d’Enercoop. Valérie Plagnol, de la CRE, confirme : «Il reste des gisements très importants notamment dans le tertiaire, dans l’isolation des bâtiments ou de la gestion des flottes de véhicules électriques.»

Mais pour embarquer l’ensemble de la population, comment rendre acceptable la sobriété énergétique ? «On ne peut plus se permettre de ne pas avoir une certaine dose de contrainte», assène Jean-François Julliard. «La sobriété est très désirable mais les gens ne savent pas encore, estime de son côté Béatrice Delpech. Nous n’avons pas un Président qui nous aide beaucoup‚ avec ses remarques sur les Amish par exemple, mais manger moins de viande, mutualiser une perceuse avec des voisins, utiliser des mobilités plus douces, c’est également très positif en termes d’interactions sociales ou de santé. Il faut changer notre récit collectif.»