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Incendies

La Teste-de-Buch: «la reprise des feux n’est pas interdite, mais moins envisageable»

Alors que les feux brûlent à nouveau dans le Sud Gironde, les habitants du bassin d’Arcachon redoutent que les incendies reprennent aussi dans leur zone. Un risque est moins probable mais pas inimaginable selon Bruno Lafon, président de l’organisme de Défense des forêts contre l’incendie.
Des fumerolles sortent des sols près d'Hostens en Gironde, mercredi. (Guillaume Souvant/AFP)
publié le 11 août 2022 à 19h12

L’inquiétude est grande. Depuis mardi, comme en juillet dernier, les feux ravagent le sud de la Gironde, avec plus de 6 800 hectares brûlés autour de Landiras et Hostens, selon le dernier relevé du jour, à 15 heures ce jeudi. Mais à une soixantaine kilomètres de là, sur la côte, à La Teste-de-Buch où la forêt de dunes est partie en fumée lors des incendies de juillet, les habitants et vacanciers craignent le pire. Pour Bruno Lafon, président de l’organisme de Défense des forêts contre l’incendie (DFCI) de Gironde et maire de Biganos, le risque existe, mais semble moindre en raison de la composition différente – plus sableuse notamment – du sol.

Est-il possible qu’un scénario similaire à Landiras se reproduise à La Teste, dans le bassin d’Arcachon ?

Ce sont deux situations différentes. Le sol du feu est complètement différent à La Teste qu’à Landiras. A La Teste, ce sont des dunes, une forêt de dunes, des pins maritimes et du sable, avec des herbacés, des branchages dessus. Alors qu’à Landiras et dans le Sud Gironde, le sol est fait de tourbe [une matière organique fossile spongieuse et composée d’au moins 20 % de carbone, donc très inflammable, ndlr]. Mais quand le sol est composé de tourbe, la chaleur est plus importante dans et sous le sol. Il y a quelques jours, la température sous le sol de Sud Gironde avoisinait les 150 °C, ce qui n’est jamais arrivé à La Teste.

Autre différence, à Landiras, il y a eu une exploitation de charbon, donc il y a beaucoup de charbon de bois qui est enterré. Quand cela brûle, le charbon sous le sol, lui aussi, brûle. Dernière différence : La Teste se situe à proximité de la mer, qui apporte un air plus frais. Ce matin, je l’ai bien constaté, il faisait bien plus frais à La Teste qu’à Landiras, ce qui peut avoir un impact sur les feux. Il y a donc tous les inconvénients possibles et imaginables à Landiras. C’est pour cela qu’on craignait beaucoup plus les reprises de feux à Landiras qu’ailleurs, en raison d’abord de la superficie et d’autre part, du contexte du sous-sol. D’autant plus que les reprises de feux étaient beaucoup plus nombreuses à Landiras les semaines précédentes, chiffrées à hauteur de 110 à 120 mardi, contre une vingtaine à La Teste.

Combien d’hectares sont partis en fumée depuis juillet à La Teste et à Landiras ?

La Gironde avait 450 000 hectares de forêts avant les premiers incendies de juillet. Il en reste 430 000 hectares après les incendies de juillet et d’août. Précisément, à Landiras, depuis mardi, plus de 6 800 hectares sont partis en fumée, au dernier relevé du jour, à 15 heures. Et ce, alors que 12 500 hectares de forêt – soit environ 1 million de mètres cubes de bois – avaient déjà brûlé le mois dernier. Mais le feu n’y avait pas été déclaré comme maîtrisé [terme employé lorsque les risques de reprise sont considérés comme limités et qu’une reprise majeure du feu est écartée]. Et de nombreux hectares n’avaient pas été atteints en juillet. A La Teste au contraire, 7 000 hectares, composés de plus de bois – 1,3 million de mètres cubes – ont été dévastés par les incendies sur les quelque 7 500 de la zone. Mais là le feu a été déclaré comme maîtrisé le 29 juillet dernier.

Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

On n’a pas de questions à se poser. On a une mission et point barre. On aide les pompiers sur le terrain, notamment dans les conseils techniques et dans la garde du feu. Ce sont les deux principales missions que se donne la DFCI depuis sa création en 1949. A Landiras, par exemple, il y a environ 1 000 pompiers et entre 200 et 250 membres de la DFCI, des chasseurs et des bénévoles des communes alentour mobilisés. On est tous catastrophés.

Et les habitants de La Teste ?

Ils sont très inquiets, très angoissés, même s’ils sont un peu soulagés que les feux n’aient pas repris. Je dois les rassurer. Beaucoup m’appellent pour me demander si les risques sont forts ou pas. Mais je dirais que la reprise des feux à La Teste-de-Buch n’est pas interdite, mais moins envisageable. Reste une autre inquiétude importante : que le feu à proximité de Belin-Béliet, soit à plus de 40 kilomètres de La Teste, traverse l’autoroute A63 et se répande vers le bassin d’Arcachon. On ne peut guère savoir si cela va se produire ou pas. Il faut rester humble devant les feux de forêt. Aucun pays au monde n’a réussi à maîtriser totalement les feux, pas même les Etats-Unis.