De quoi espérer réduire l’immense gâchis d’eau potable. Les eaux jusqu’ici considérées comme «impropres à la consommation humaine» pourraient bientôt servir à un usage domestique, d’après les dispositions prévues par plusieurs projets de décret et d’arrêté, mis en consultation du public jusqu’au 26 janvier par le ministère de la Transition écologique. Si ces textes, qui découlent du plan eau présenté par Emmanuel Macron en mars, ne sont pas modifiés après cette étape, ce nouveau cadre réglementaire pourrait s’appliquer à partir du 1er juillet 2024.
Concrètement, ces nouvelles dispositions concernent les eaux de puits et de forages privés, les eaux issues de l’exploitation de piscines collectives, les eaux «grises» issues des douches, des baignoires, des lavabos et des lave-linge ou encore les eaux «noires» des toilettes.
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«La France est l’un des leaders dans les domaines du traitement de l’eau, et exporte ses technologies à l’international. Tout est prêt pour mettre en place ces mesures. Le risque sanitaire est maîtrisé, il n’y a aucun danger», assure auprès de Libération Julie Mendret, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier, spécialisée dans le traitement de l’eau.
Pour autant, tous ces types d’eau n’auraient pas le même usage. Les eaux de pluie bénéficient par exemple de dérogations plus larges. Elles pourraient servir au lavage du linge, des sols intérieurs, ou encore à l’alimentation des fontaines. Les eaux «noires» seraient quant à elles restreintes à quelques gestes, comme l’arrosage des jardins potagers ou le nettoyage des surfaces extérieures.
Dans les écoles et les hôpitaux aussi
L’utilisation de ces eaux pourrait également être mise en œuvre dans les établissements recevant du public, les bâtiments professionnels et les entreprises. La note de présentation du ministère de la Transition écologique précise que «les établissements scolaires et les établissements recevant du public sensible, comme les hôpitaux et les Ehpad» seraient aussi aptes à «mettre en pratique» ces nouveaux usages, après autorisation du préfet.
L’objectif principal étant de «soutenir les efforts de préservation de la ressource et de limiter la pression sur les réseaux de distribution publique d’eau potable».
Précaution sanitaire oblige, ce projet d’arrêté définit les critères de qualité à respecter a minima, les différentes exigences sur les procédés de traitement et les modalités de surveillance à établir. Ces eaux devront être collectées, traitées, stockées, distribuées dans des systèmes spécifiques.
Des critères et des obstacles
«Si cette pratique est louable, elle présente malgré tout de nombreux freins qui compliquent sa mise en place», nuance ainsi Julie Mendret. Et la spécialiste du traitement de l’eau de lister : «Tout d’abord, les habitations ne sont pour l’instant pas conçues pour cette réutilisation des eaux non conventionnelles. Un système de double réseau – un réseau d’eau potable classique et un réseau d’eau réutilisée – est nécessaire. Il faudrait donc construire ces nouvelles infrastructures, ce qui pèse lourd sur le bilan carbone. Aussi, pour traiter ces eaux et abriter les outils requis, des nouveaux locaux devront être construits.»
Ces derniers mois, plusieurs mesures avaient élargi les usages non domestiques des eaux usées, à la place de l’eau potable. Fin août 2023, un décret avait par exemple été émis pour simplifier leur réutilisation pour le nettoyage des voiries ou l’arrosage des espaces verts. Puis, fin décembre, un nouveau pas avait été franchi pour faciliter la réutilisation des liquides issus des stations d’épuration. Ceux-ci vont désormais pouvoir être traités et récupérés pour servir à l’irrigation en agriculture.
Les bénéfices attendus de ces nouvelles réglementations ne doivent toutefois pas éluder l’enjeu central : l’indispensable sobriété, qui nécessite, selon la maîtresse de conférences, «de revoir nos usages et nos pratiques» pour moins consommer d’eau.