La volte-face continue. Une semaine après avoir mis un coup de frein à certains engagements climatiques, le Royaume-Uni a accordé mercredi 27 septembre une «autorisation de développement et production» à un champ controversé en mer du Nord, s’attirant les foudres de défenseurs de l’environnement.
Le champ de Rosebank est le plus grand non développé du Royaume-Uni, selon Ithaca Energy, qui exploitera le gisement avec le norvégien Equinor. Le feu vert a été donné par l’Autorité de transition de la mer du Nord «après acceptation de la déclaration environnementale» du projet et «en tenant compte de considérations» liées à l’objectif de neutralité carbone, fait valoir le régulateur dans son communiqué.
Les deux entreprises partenaires ont de leur côté assuré que le développement de Rosebank a été optimisé pour réduire les émissions de carbone, en visant notamment une alimentation des installations en mer en électricité depuis la terre ferme et les champs voisins.
Une décision «moralement obscène»
Sans convaincre les écologistes : le Premier ministre conservateur Rishi Sunak, après avoir annoncé le report de plusieurs mesures phares de la politique climatique du Royaume-Uni, «a prouvé une fois pour toutes qu’il plaçait les profits des compagnies pétrolières au-dessus des gens ordinaires», a tancé l’ONG Greenpeace dans un communiqué. «La triste vérité est que (Rishi) Sunak se plie à des intérêts particuliers, démontrant l’emprise du lobby des combustibles fossiles sur les décisions du gouvernement», a ajouté l’ONG.
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C’est une décision «moralement obscène», a de son côté lancé Caroline Lucas, députée écologiste, sur X (ex-Twitter). «Cela n’améliorera pas la sécurité énergétique ni ne réduira les factures, mais cela brisera nos engagements climatiques et démolira la position de pionnier mondial» du Royaume-Uni en matière de transition climatique, selon elle.
Entre une pléthore de nouveaux permis d’exploration pétrolière et gazière et une crise de l’éolien offshore, les nuages s’accumulent sur les promesses de neutralité carbone du Royaume-Uni, alors que la guerre en Ukraine a remis la sécurité énergétique au cœur des priorités de Londres.
Rishi Sunak a notamment annoncé il y a une semaine le décalage de cinq ans, à 2035, de l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves, et repoussé l’interdiction des chaudières au fioul, GPL ou charbon pour «donner plus de temps» selon lui aux Britanniques éprouvés par la crise du coût de la vie.
Mais il a assuré que son gouvernement ne ralentissait «absolument pas» ses efforts dans la lutte contre le réchauffement climatique, s’attirant pourtant les critiques d’associations environnementales, d’entreprises ou associations sectorielles, et de responsables politiques jusque dans son propre camp.
245 millions de barils attendus
L’énergéticien norvégien Equinor et son homologue Ithaca, filiale de l’israélien Delek, qui exploiteront ce gisement situé au large des îles Shetland, au nord de l’Ecosse, ont annoncé dans des communiqués séparés un investissement de 3,8 milliards de dollars dans le projet.
Le norvégien détient 80 % du projet Rosebank, Ithaca les 20 % restant. La production devrait démarrer en 2026-2027. Les ressources du champ pétrolier sont estimées à environ 300 millions de barils de pétrole, et la seule phase 1 du projet lancée mercredi prévoit environ 245 millions de barils. Le gisement produira aussi du gaz.
«Le développement du champ de Rosebank nous permettra de renforcer notre position d’important partenaire énergétique du Royaume-Uni, tout en optimisant notre portefeuille pétrolier et gazier et en augmentant l’approvisionnement énergétique en Europe», a assuré Geir Tungesvik, un responsable d’Equinor, cité dans le communiqué du groupe.
Au-delà de la production d’énergie «d’une importance cruciale» pour le Royaume-Uni, le développement permettra aussi des retombées économiques «substantielles» pour le pays, assure Gilad Myerson, président exécutif d’Ithaca Energy, dans le communiqué de l’entreprise.
Selon les deux entreprises, Rosebank devrait permettre de générer au total 8,1 milliards de livres d’investissements directs, majoritairement dans des entreprises basées au Royaume-Uni, ainsi qu’environ 1 600 emplois au plus fort de la phase de construction du projet et 450 postes par la suite.