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Les chambres d’agriculture pointées du doigt, entre défaut de neutralité et faible contrôle

La Cour des comptes a publié mercredi 1er octobre un rapport pointant les dérives de ces instances, qui bénéficient de très importants fonds publics.

Au Salon de l'agriculture, à Paris, le 23 février 2025. (Gaelle Abrard/Abaca)
Publié le 02/10/2025 à 11h40

«Favoritisme», «décisions illégales» et tutelle de l’Etat «trop peu effective» : la Cour des comptes dénonce les dérives des chambres d’agriculture, à la fois conseillères et porte-voix des exploitants, rappelées à leur rôle d’accompagnement des transitions de l’agriculture française, dans un rapport publié mercredi 1er octobre. Ces établissements publics – 100 chambres, dont 13 de niveau régional et une entité nationale – ont selon le code rural pour mission essentielle de représenter les «intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics» et d’améliorer «la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières».

Leur gouvernance est renouvelée tous les six ans lors d’élections professionnelles : elles sont principalement dirigées par des exploitants agricoles, emploient 8 200 salariés et disposent au total d’un budget annuel de presque 800 millions d’euros, dont 75 % proviennent de ressources publiques. «Les enjeux économiques, territoriaux, de souveraineté, sanitaires et environnementaux qui s’attachent à l’activité agricole peuvent justifier cet effort budgétaire», estime la Cour des comptes, «mais il impose une plus grande responsabilité aux chambres et à l’Etat dans sa mise en œuvre».

Risques de «corruption»

La Cour rappelle ainsi «l’exigence de neutralité des chambres» dans leurs dépenses et l’interdiction des subventions accordées à des syndicats agricoles, une pratique qui pourtant se poursuit, «le plus souvent sans observations des préfectures». Dans un réseau encore largement dominé par l’alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs, à la tête de 83 chambres sur 101, la Cour a notamment relevé une subvention de 66 300 euros accordée en 2017 (et reconduite chaque année) à la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée pour «soutenir une mission de veille et d’écoute des agriculteurs», sans réel contrôle et en dépit des protestations d’autres syndicats.

En Ile-de-France, une subvention accordée aux Jeunes agriculteurs et destinée à l’installation de jeunes exploitants, a notamment servi à l’organisation des «fêtes des moissons» en 2020. «L’attribution irrégulière de subventions doit disparaître», insiste la Cour des comptes, qui relève également un «risque d’atteintes à la probité», et notamment de «corruption», dans le fonctionnement des chambres.

Elle relève également le comportement de franc-tireur d’une chambre comme celle du Lot-et-Garonne, présidée par la Coordination rurale, qui ne transmet pas de données, refuse les audits et a assumé la construction illégale d’une retenue d’eau, sans pour autant subir de sanction. La Cour regrette ainsi une «tutelle trop peu interventionniste» du ministère de l’Agriculture, et appelle à son renforcement, ainsi que celle, au niveau local, des préfets.