Le Conseil d’Etat sonne le glas du piégeage traditionnel des oiseaux sauvages en France. Pour la quatrième année consécutive, la plus haute juridiction administrative juge «illégales» plusieurs chasses traditionnelles d’oiseaux pour la saison 2021-2022. Saisi par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’association One Voice, le Conseil d’État juge, par une décision rendue «au fond», que les autorisations ministérielles d’octobre 2021 ne sont pas conformes au droit européen sur la protection des oiseaux. A la suite d’un recours en référé de la LPO et de One Voice l’an passé, le Conseil d’État avait suspendu en urgence ces autorisations, relevant qu’il existait un doute sérieux sur leur légalité.
Sont concernés par cette protection les vanneaux huppés, pluviers dorés, grives et merles noirs, chassés à l’aide de tenderies (des filets fixés à terre ou nœuds coulants selon l’espèce), dans le département des Ardennes. De même que les alouettes des champs, piégées à l’aide de pantes (filets horizontaux) et de matoles (cages) dans plusieurs départements d’Aquitaine et d’Occitanie.
Une directive européenne interdit ces techniques de chasse
La directive européenne «Oiseaux» de 2009 interdit les techniques de chasse qui capturent des oiseaux massivement et sans distinction d’espèce, notamment les filets, pièges-trappes et autres pièges. Elle prévoit toutefois qu’une dérogation peut être accordée à ces techniques de chasse, à deux conditions : qu’il n’existe pas d’autre façon de capturer l’espèce recherchée, et que cette technique ne permette de capturer que cette espèce-là, ou d’autres espèces mais en très faible quantité et sans dommage pour elles.
Le Conseil d’État observe que le ministère ne démontre pas que ces méthodes de chasse traditionnelles ne respectent pas ces conditions. La plus haute juridiction administrative observe également que des solutions alternatives «satisfaisantes» existent : la chasse à tir ou l’élevage. Pour ces raisons, les arrêtés d’autorisation pris en octobre 2021 par le ministre de la transition écologique ont été annulés. La France fait en outre l’objet d’une procédure d’infraction de la part de la Commission Européenne depuis 2019 pour non-respect de la Directive Oiseaux concernant le piégeage traditionnel. Elle a été rappelée à l’ordre d’abord par une mise en demeure, puis par un avis motivé, dernière étape avant poursuite devant la Cour de Justice de l’Union Européenne.
«Cynisme étatique»
La LPO, qui félicite la décision du Conseil d'Etat dénonce un «cynisme étatique, au profit de quelques milliers de chasseurs et au détriment de la biodiversité» qui «mine la confiance dans les institutions.» Pour Alain Bougrain Dubourg, Président de la LPO, «s’acharner sur des espèces en déclin comme l’alouette des champs ou le vanneau huppé n’est pas digne d’un pays qui ambitionne d’être un modèle de protection de la biodiversité au niveau mondial alors qu’il n’arrive même pas à respecter la Directive oiseaux, adoptée par la France il y a trente ans».
Concernant les nouvelles autorisations de chasse traditionnelles prises par le gouvernement pour 2022-2023 et suspendues en urgence le mois dernier, le Conseil d’État se prononcera définitivement «au fond» sur leur légalité dans les prochains mois.