L’heure est à la sobriété, voire à l’économie. La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie font flamber le prix de l’énergie, tout comme les vagues de froid et de chaleur, à l’instar de celle qui enveloppe la France depuis le début de la semaine. Le gouvernement français prévoit de rallumer cet hiver une centrale à charbon, en Moselle. Même les patrons d’entreprises commencent à s’y mettre. Après ceux d’Engie, d’EDF et de Total qui demandaient la semaine dernière d’«engager un grand programme d’efficacité énergétique et de chasse au gaspillage national», 84 dirigeants d’entreprise, appartenant pour beaucoup à l’économie sociale et solidaire ou au milieu associatif, ont appelé début juillet à faire de «la sobriété énergétique un choix collectif», dans une tribune au JDD.
Libération liste six mesures – simples mais non exhaustives – qui dépendent du gouvernement et des dirigeants d’entreprise, pour réduire la consommation d’énergie et, ainsi, limiter le changement climatique engendré par l’activité humaine.
Réduire la vitesse maximale autorisée
Lever le pied sur les routes permet d’économiser de l’or noir. «Mise en place en juillet 2018, la réduction de la vitesse autorisée sur route nationale (de 90 à 80 km/h) a été motivée par des enjeux de sécurité routière. Cette mesure a également des effets bénéfiques sur la consommation d’énergie», estime le think tank Negawatt, dans son scénario sur la sobriété énergétique. La mesure impopulaire d’Edouard Philippe est un bon début dans le secteur des transports, même si de nombreux conseils départementaux ont depuis rétabli les 90 km/h.
Pour compléter, le think tank recommande une réduction de la vitesse aussi sur l’autoroute, à savoir passer de 110 à 100 km/h et de 130 à 110 km/h. Cette limitation permettrait de réduire la consommation de carburant de 25% et de faire baisser la facture de carburant de 7% en moyenne (tous déplacements confondus) pour seulement huit minutes de trajet en plus tous les 100 kilomètres.
Tribune
Interdire les panneaux publicitaires éclairés et vidéos
C’est probablement l’un des gaspillages énergétiques les plus irritants au quotidien. Passer devant ces grands écrans numériques qui vantent les mérites de vols aériens low-cost est l’un des exemples frappants que notre société n’a pas pris la mesure de la réduction de consommation énergétique à entreprendre. La métropole de Lyon vient de les interdire dans ses 59 communes à compter de 2023.
Malheureusement ce n’est pas la tendance nationale. Selon le rapport sur les futurs énergétiques de RTE de février, la France comptait 9 000 panneaux de cette sorte en 2019, avec une hausse de 20% de leur nombre par an. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), dans son rapport de 2020 sur le sujet, estime leur émission de gaz à effet de serre à 245 kg de CO2 par année d’utilisation. Côté consommation, si le panneau a une durée de vie de dix ans, il aura consommé 20 477 kwh d’électricité dans la décennie, soit quasiment autant qu’un Français sur la période (environ 2 223kWh par personne et par an).
Récit
Eteindre l’éclairage public et les vitrines la nuit
C’est la mesure qui se multiplie ces derniers temps. Dans le Val-d’Oise, en Lorraine ou encore dans le Nord, des centaines de communes ont décidé d’éteindre leur éclairage public la nuit, totalement ou partiellement. Elles rejoignent ainsi plusieurs milliers de communes qui avaient déjà sauté le pas. Selon l’Ademe, l’éclairage public représente 41% des consommations d’électricité des collectivités territoriales. L’extinction des lampadaires la nuit permettrait une réduction de près de 50% des factures d’électricité des villes. Une décision aussi économique qu’écologique, car cela réduit la pollution lumineuse et perturbe moins la biodiversité la nuit.
Dans la même logique, un arrêté gouvernemental datant de 2013 impose l’extinction de l’éclairage des façades, vitrines et bureaux après 1 heure en France. Cette règle, «pas suffisamment contrôlée» ni appliquée, regrette Negawatt dans son scénario sur la sobriété énergétique, représente elle aussi un gros gisement d’économies d’énergie.
Chronique «Le fil vert»
Favoriser le télétravail et les dimanches sans voitures
Diminuer globalement l’utilisation de la voiture est un levier évident. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) recommandait dans un rapport en mars de passer à trois jours par semaine en télétravail pour économiser du carburant. Elle estime que dans les économies de pays développés telles que la France, un tiers des métiers le peuvent. La mesure est encore plus pertinente en été car la consommation des véhicules augmente lorsque la climatisation est déclenchée. L’AIE a calculé qu‘à court terme, l’instauration de trois jours de télétravail par semaine permettrait de réduire la consommation de pétrole d’environ 500 milliers de barils par jour dans le monde.
Elle préconise aussi d’instaurer des dimanches sans voitures dans les grandes villes, comme c’est déjà le cas à Paris. Depuis début avril, l’Albanie s’y est aussi mise chaque premier dimanche du mois grâce à un plan national. «Ces initiatives peuvent alors être soutenues en réduisant les tarifs des transports en commun, voire en instaurant leur gratuité.» L’absence de voitures améliore la qualité de l’air, précise l’AIE.
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Réduire la climatisation dans les administrations
La climatisation, dont les ventes explosent ces dernières années, représente environ 6% de la consommation d’électricité en France, avec des pics significatifs pendant les canicules. Limiter la consommation de ces engins polluants épargnerait le climat et économiserait de l’énergie. En France, où un quart des foyers français sont équipés, il est conseillé de rafraîchir à 26°C au plus bas. Une circulaire du 13 avril 2022 stipule que le gouvernement sera attentif à «la stricte application de la réglementation existante en matière de climatisation des locaux, qui ne peut être mise en marche que si la température des locaux dépasse 26°C» dans les bâtiments de l’Etat.
L’Espagne a de son côté déjà sauté le pas. Depuis le 26 mai, le «plan d’efficience énergétique» interdit de fixer le thermostat des climatiseurs en dessous de 27°C dans les bâtiments publics. L’Italie a de son côté fixé début mai le plancher à 25°C dans les écoles, universités, bâtiments administratifs et même certains hôtels.
Vague de chaleur
Interdire les vols privés en avion
L’avion de Bernard Arnault est devenu une star d’Instagram, grâce à un compte qui suit à la trace son jet privé. En un mois, l’appareil du patron de LVMH a effectué 18 trajets, a volé quarante-six heures et a rejeté 176 tonnes de CO2. C’est beaucoup pour un seul homme. «L’aviation d’affaires génère entre 3 et 20 fois plus de CO2 par passager que l’aviation commerciale», explique le Shift Project dans son rapport sur l’aviation de mars 2021. Les transports aériens privés des plus riches représentent à eux seuls 2% des émissions de CO2 de l’aviation mondiale, selon l’association. Interdire l’aviation privée, représenterait donc une baisse non négligeable de la consommation d’énergie sans changer la qualité de vie de l’écrasante majorité de la population. On part de loin, Jean Castex, quand il était encore Premier ministre, avait utilisé un Falcon de la République pour aller voter à Prades lors du premier tour de l’élection présidentielle.
Sans aller jusqu’à l’interdiction, la pandémie de Covid-19 a prouvé que deux voyages d’affaires par avion sur cinq sont évitables, selon l’AIE. «Plusieurs grands groupes ont déjà annoncé dans leurs objectifs vouloir réduire jusqu’à 70% les émissions de CO2 liées aux voyages d’affaires», note-t-elle. De quoi réduire la consommation de pétrole à court terme de 260 kilobarils par jour.
Mise à jour le 13 juillet avec les nouvelles hausses de température prévues par Météo France.