On avait quitté Gianluca Grimalda licencié et en plein road-trip des îles Salomon vers l’Allemagne. On le retrouve en 2025 avec un nouvel emploi, un film et un livre racontant son histoire. En 2023, Gianluca Grimalda devenait la première personne licenciée pour avoir refusé de prendre l’avion. Un objecteur de conscience climatique. Ce 3 juin, le chercheur reprend contact avec nous. «J’ai finalement accepté une offre d’emploi de l’université Masaryk en Tchéquie», nous explique-t-il dans son mail. Il prendra son poste en janvier 2026, le temps d’un aller-retour, sans avion, en Papouasie-Nouvelle-Guinée «pour terminer mon projet sur l’adaptation climatique parmi les habitants de Bougainville», précise-t-il encore. Auprès de Libération, l’université Masaryk précise être en mesure de «concilier» la volonté de Grimalda de ne pas prendre l’avion «avec les contraintes juridiques et logistiques qui s’appliquent dans notre contexte institutionnel».
Gianluca Grimalda n’a donc cédé sur rien. Ni sur son intérêt pour l’adaptation au réchauffement climatique des populations insulaires, ni sur sa volonté farouche de ne plus jamais grimper dans un avion. Sa résolution a pourtant été mise à rude épreuve. C‘était en 2023. Le scientifique italien, spécialisé en psychologie sociale, avait reçu un ultimatum de son employeur, l’Institut pour l’économie mondiale (IfW) de Kiel (nord de l’Allemagne), lui intimant de «rentrer en avion» de Papouasie-Nouvelle-Guinée, sous peine de licenciement. Refus de l’intéressé. Le 11 octobre, une lettre de son employeur, lui indiquait que leur «relation de travail était terminée».
Prise d’otage
Militant écologiste membre du collectif Scientist Rebellion, l’homme refuse de voyagé par les airs. «Avec un seul trajet en avion, j’aurais dégagé autant de CO2 qu’une personne en moyenne sur un an. C’est absolument inenvisageable pour moi», expliquait-il. Résultat, au lieu de deux jours, ses voyages lui prennent plusieurs semaines, marquées, entre autres, par une prise d’otage fomentée par d’anciens combattants indépendantistes et une éruption volcanique. Une vie d’aventure qu’il raconte dans un livre publié en italien, A fuoco Il mondo brucia. È ora di disobbedire («En feu, e monde brûle, il est temps de désobéir», éd. Feltrinelli) et dans un documentaire signé Paolo Casalis. Il a en outre participé à un film, intitulé The Researcher, qui a reçu le prix de la meilleure œuvre de parcours éducatif au Festival du film climatique de Frome (Royaume-Uni), en mai.
Les vidéos ont été prises par Gianluca Grimalda lui-même, sous la direction de Paolo Casalis. «Quand j’ai proposé à Gianluca le projet de réaliser un documentaire sur son voyage à faible émission de carbone, je n’aurais jamais imaginé qu’il finirait par détailler un cas marquant de désobéissance civile pour l’environnement», explique le réalisateur dans un communiqué de presse.
Indemnité de départ
Le conflit avec son ancien employeur est aussi réglé depuis janvier 2025. L’IfW et le chercheur ont accepté l’accord proposé par le tribunal du travail de Kiel. Il n’a pas été réembauché mais il a touché une indemnité de départ, confidentielle. Le chercheur s’est engagé à donner 75 000 euros à des associations. L’IfW refuse de commenter cette affaire. «Le juge a implicitement reconnu l’impossibilité de licencier un salarié en raison de son refus de prendre l’avion. J’espère que mon cas incitera davantage de salariés, d’institutions et d’entreprises à soutenir activement la transition d’une économie basée sur les énergies fossiles vers des sociétés décarbonées et centrées sur l’humain», espère Gianluca Grimalda. L’homme connaît bien la question de la réponse au changement climatique. Il étudie notamment les ressorts psychologiques et sociaux derrière les décisions des sociétés de l’île Bougainville face au risque collectif que représente le réchauffement climatique, et notamment la montée des eaux. Son nouvel employeur valorise «son expertise dans la conduite d’expériences sur le terrain dans des zones géographiques qui échappent souvent au champ d’action traditionnel des universités occidentales».