Menu
Libération
Etats-Unis

Los Angeles attaque Monsanto en justice pour avoir sciemment pollué ses eaux

Nouvelle affaire judiciaire pour le géant de la chimie Monsanto : Los Angeles l’accuse d’être responsable des rejets de PCB, des polluants extrêmement toxiques, dans les cours d’eau de la ville jusqu’en 1979. Une accusation réfutée en bloc par l’entreprise.
Monsanto a fabriqué 99 % des PCB utilisés ou vendus aux États-Unis entre 1929 et 1977. (Daniel Acker/Getty Images)
publié le 8 mars 2022 à 12h56

La firme agrochimique Monsanto, propriété du géant allemand Bayer depuis 2018, a pu ajouter lundi une nouvelle plainte à la longue liste dont elle fait déjà l’objet. La ville de Los Angeles a annoncé qu’elle poursuivait l’entreprise pour avoir sciemment pollué ses eaux pendant des décennies avec des produits chimiques de la famille des PCB (polychlorobiphényles). Ces polluants organiques se désagrègent très peu dans l’environnement et s’accumulent dans différents milieux, en particulier le sol. En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) les a classés comme cancérogènes certains pour l’Homme. Ainsi, ils ont été interdits aux Etats-Unis en 1979, en vertu de la loi sur le contrôle des substances toxiques, mais font toujours l’objet de nombreux litiges.

Los Angeles accuse donc Monsanto d’avoir pollué les cours d’eau de la ville par des rejets de PCB jusqu’en 1979. S’il fait l’objet de poursuites, ce n’est pas parce que le géant de la chimie avait une ou plusieurs usines dans la ville californienne, mais tout simplement parce que Monsanto a fabriqué 99 % des PCB utilisés ou vendus aux États-Unis entre 1929 et 1977. Et donc utilisés dans des domaines et par des acteurs très variés à Los Angeles. Ces produits chimiques, extrêmement toxiques, étaient notamment présents dans la peinture, les encres, les papiers ou encore utilisés comme lubrifiants et produits d’étanchéité. Aujourd’hui, manger du poisson ou nager peut entraîner une exposition à ces polluants, a expliqué le procureur lors d’une conférence de presse.

«Il est temps pour Monsanto de nettoyer et de payer»

«Il est temps pour Monsanto de nettoyer et de payer», assure Mike Feuer. «Les impacts sanitaires et environnementaux des PCB - impacts que la ville travaille dur à réduire dans tout Los Angeles - laissent tout simplement bouche bée», souligne-t-il encore. «Nous affirmons que Monsanto savait depuis des décennies que les PCB étaient toxiques et aboutiraient inévitablement à une vaste contamination […] Il est insupportable que Monsanto ait continué à les produire et à les vendre et, soutenons-nous, à tromper le public à leur sujet», poursuit le magistrat.

En effet, la municipalité de Los Angeles, qui veut obtenir des réparations financières dont elle ne précise pas le montant, de la part de Monsanto pour la dépollution des eaux, soutient que la société avait connaissance depuis les années 1950 de la toxicité des PCB pour l’être humain. «La ville a dépensé des millions et des millions de dollars jusqu’à présent et va continuer à dépenser des millions et des millions de dollars pour remédier à ce problème», a encore prévenu le procureur Mike Feuer. La plainte rappelle aussi que l’exposition aux PCB peut provoquer des cancers, endommager le foie, la thyroïde et les yeux ou encore avoir des effets néfastes sur le développement.

Malgré l’interdiction de leur utilisation, les systèmes d’eaux pluviales et d’eaux usées continuent de drainer les PCB dans le port de Los Angeles, la baie de Santa Monica, les lacs et autres voies navigables ainsi que les sols associés à ces zones. «Nous avons dû draguer le sol à certains endroits, par exemple», a signalé Mike Feuer. La plainte de la ville, l’une des plus importantes aux Etats-Unis, vise trois sociétés issues d’une division de Monsanto dans les années 1990 : Monsanto Company, qui appartient à Bayer et qui fait déjà face à une série d’actions en justice à travers le monde pour son très controversé pesticide Round’Up, Solutia, propriété d’Eastman Chemical Company ainsi que Pharmacia, rachetée par Pfizer.

Monsanto cible de nombreuses procédures

A propos de cette nouvelle plainte, Bayer a déclaré dans un communiqué qu’il examinait le procès et estime qu’il est sans fondement. «Monsanto a volontairement cessé sa fabrication légale de PCB il y a plus de quarante ans, et n’a jamais fabriqué, utilisé ou jeté de PCB dans les eaux de Los Angeles, et ne devrait donc pas être tenu responsable de la contamination alléguée par la ville». Plaidant que «lorsqu’il a été déterminé que ces nettoyages sont nécessaires, les autorités fédérales et étatiques utilisent un système efficace pour identifier les déchargeurs et répartir les responsabilités de nettoyage. Des litiges du genre de ceux intentés par la ville risquent de saper ces efforts.»

Bayer est d’ores et déjà miné depuis le rachat de Monsanto par une salve de procédures, collectives et individuelles, qui ont été lancées concernant le pesticide Round’Up et sa substance active, le glyphosate. La substance est classée «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une caractérisation contestée par le groupe allemand. En outre, Bayer fait face à une plainte d’actionnaires en Allemagne, qui lui réclament pas moins de 2,2 milliards d’euros de dommages et intérêts, lui reprochant de ne pas les avoir suffisamment informés sur les risques financiers causés par ces procédures judiciaires.

De son côté, la porte-parole de Pfizer, Pamela Eisele, a déclaré dans un e-mail que l’activité présumée en cause était antérieure à l’acquisition de Pharmacia par Pfizer, et a noté que Pfizer n’était pas un défendeur nommé. «Conformément à l’accord de séparation entre Monsanto et Pharmacia, Monsanto est tenu d’indemniser Pharmacia pour toute responsabilité principalement liée aux activités agricoles ou chimiques héritées de Monsanto», explique Pamela Eisele. Eastman Chemical Company n’a pas encore réagi à la plainte de la ville.