Les alertes à la prudence se multiplient alors que la tempête Ciarán s’approche de la France, frappant les côtes Atlantique dès ce mercredi 1er novembre au soir. Face aux prévisions de rafales de 110 à 170 km/h, Météo-France a placé le Finistère, les Côtes-d’Armor et la Manche en vigilance rouge. Cette nouvelle tempête s’annonce considérable et devrait «se classer parmi les 40 tempêtes majeures depuis 1980», sans pour autant atteindre «les niveaux de sévérité des épisodes historiques», affirme l’organisme de météorologie.
Ladite sévérité de ces épisodes est calculée à partir des mesures de rafales de vent, sans tenir compte des facteurs aggravants, comme les précipitations et les submersions marines. Les tempêtes Lothar et Martin, ou encore Xynthia et Alex, elles, se sont distinguées par leur violence et l’étendue des surfaces touchées. Parmi les 25 tempêtes d’ampleur dénombrées depuis 1980 par Météo-France, Libération revient sur six de ces phénomènes aux bilans humains et matériels catastrophiques.
«L’ouragan» de 1987
Les dommages causés par la tempête d’octobre 1987 sont semblables à ceux d’un ouragan de force 3 sur l’échelle de Saffir-Simpson. De quoi pousser les médias de l’époque à qualifier cette remarquable dépression «d’ouragan», même si cette dénomination est censée être réservée aux cyclones tropicaux. Toutes les régions de France ont été touchées par cette tempête, entrée sur le territoire par la Bretagne et qui s’est évacuée vers l’Angleterre vingt-sept heures plus tard. La Corse a été la seule région véritablement épargnée. En moyenne, les vents ont soufflé à 140 km/h dans les terres et à plus de 160 km/h sur le littoral Atlantique. Au plus fort, les rafales ont atteint 216 km/h à la pointe du Raz, dans le Finistère.
La violence de ces vents a été considérable et leurs conséquences dramatiques : 15 morts ont été recensés et les dégâts matériels estimés à 3,5 milliards d’euros. Environ 1 250 000 personnes ont été privées d’électricité et le quart des forêts bretonnes a été détruit. Plusieurs clochers d’églises se sont écroulés, comme celui de Concarneau (Finistère), rappelle Météo-France. Sur les bords de mer, de nombreux bateaux ont coulé ou se sont échoués et, dans le Sud-Ouest, la moitié de la production d’huîtres de la région a été perdue.
Lothar et Martin, 1999
Ce sont les tempêtes de tous les records. Du 26 au 28 décembre 1999, deux dépressions jumelles se sont succédé, ravageant la France sur leur passage. Les rafales les plus violentes ont été enregistrées sur la moitié nord du pays, notamment dans les Côtes-d’Armor, avec 173 km/h, et sur l’île d’Oléron avec 198 km/h.
La première tempête, Lothar, a abordé la France par la baie du Mont-Saint-Michel, et s’est déplacée à une vitesse «remarquable» en dépassant les 100 km/h, note Météo-France. «A son passage sur Paris puis sur Metz, la pression en son centre est incroyable», rapporte encore l’organisme. Sur les trois quarts du territoire, les vents ont atteint les 100 km/h. La dépression a ensuite quitté le territoire par l’Allemagne, où les rafales ont dépassé les 200 km/h. La seconde, Martin, a d’abord violemment agité les côtes bretonnes avant de se déplacer vers la Suisse. Les départements pyrénéens, pourtant éloignés du centre de la tempête, ont essuyé des rafales de 120 à 140 km/h.
Les cumuls de pluie ont aussi été remarquables par leur durée. Ainsi, en trois jours, certains secteurs reçoivent près d’un mois de précipitations. La mer, déchaînée, produit des vagues jusqu’à 8 mètres de haut, entraînant des phénomènes de submersions et des inondations. Les dégâts, monstrueux, sont estimés de 8 à 13 milliards d’euros. Les milliers d’arbres cassés ou déracinés rendent les routes impraticables pendant plusieurs jours, interrompent le trafic ferroviaire, provoquent des coupures de courant (environ un million), écrasent des habitations, des véhicules… En Gironde, l’eau passe par-dessus la digue qui protège la centrale nucléaire du Blayais, causant un incident de niveau 2. Finalement, les deux tempêtes font 140 victimes en Europe, dont 92 en France. C’est à la suite de ces terribles jumelles que Météo-France améliore l’information des populations en créant, en 2001, son dispositif de vigilance pour anticiper les risques météorologiques. Selon le ministère actuel de la Transition écologique, Christophe Béchu, si le système de vigilance avait existé à l’époque, plus de 40 départements auraient été mis en alerte rouge à l’approche de Lothar et Martin, contre trois actuellement pour la tempête Ciarán.
Klaus, 2009
Le 24 janvier 2009, la dépression atlantique Klaus se creuse dans le golfe de Gascogne et traverse la France, de la Charente-Maritime à la région lyonnaise et à la Côte d’Azur. Elle génère des vents particulièrement violents avec des pointes à plus de 190 km/h dans les Pyrénées-Orientales, 185 km/h dans le Massif central, ou encore à plus de 160 km/h à Bordeaux. Ces rafales d’une intensité exceptionnelle ont duré plus de six heures dans les départements les plus touchés, ce qui est «tout à fait remarquable», souligne Météo-France. Klaus engendre également des vents extrêmes sur les côtes espagnoles : on mesure 215 km/h en Galice et 190 km/h dans les Asturies.
Les dégâts considérables sont quant à eux estimés à 1,2 milliard d’euros sur l’ensemble de la France, où plus de 1 700 000 foyers sont privés d’électricité. Le trafic SNCF est fortement perturbé, tout comme le trafic aérien, suspendu dans les aéroports de Bordeaux, Biarritz, Toulouse et Perpignan. Sur le bassin d’Arcachon, le Cap Ferret se retrouve isolé du reste du pays. Les pertes agricoles, forestières et dans les vignobles sont nombreuses. Certaines parcelles de la forêt landaise sont détruites à 60 %. L’état de catastrophe naturelle est établi pour des communes de huit départements. Finalement, on dénombre 12 personnes tuées en France et plus de 400 blessées. En Europe, le bilan est de 28 morts.
Xynthia, 2010
Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, une dépression atlantique en provenance du Portugal aborde le sud-ouest de la France. Xynthia s’engouffre dans les Pyrénées où des vents violents balaient les hauteurs. Ces vents tempétueux se déplacent ensuite sur la côte Atlantique et dans les terres, avant de se diriger vers la Belgique. En fin de parcours, l’Alsace subit des rafales à plus de 170 km/h sur le Markstein. Selon Météo-France, qui mentionne une tempête d’une sévérité exceptionnelle, l’intensité maximum est enregistrée à 2 880 mètres d’altitude sur le Pic du Midi, avec des rafales à 238 km/h.
Les vents violents occasionnent de fortes vagues sur la façade Atlantique et, les coefficients de marée élevés aggravant la situation, les inondations sont particulièrement meurtrières : elles tuent 53 personnes en France, dont 29 en Vendée et 12 en Charente-Maritime. Parallèlement, 6 000 maisons sont endommagées dans ces deux départements. Le secteur agricole est également durement touché, avec plus de 500 exploitations inondées. Des kilomètres de digues sont endommagés par la mer, tout comme des infrastructures routières, portuaires et ferroviaires. Des dégâts évalués à plus de 2,5 milliards d’euros. «Au total, on peut évaluer à plus de 500 000 personnes le nombre de sinistrés, à des degrés divers, à la suite du passage de Xynthia», rapporte Météo-France.
Alex, 2020
La plus récente des tempêtes qui ont traumatisé la France, Alex, est remarquable par sa précocité dans l’année. Début octobre 2020, après avoir stagné sur la Manche, la dépression a plongé vers les côtes Atlantique, s’est ensuite dirigée vers le centre du pays avant de s’évacuer en mer du Nord. Une trajectoire extrêmement originale, selon Météo-France. L’épisode méditerranéen qui en a résulté sur les Alpes-Maritimes est historique.
Des cumuls de pluie exceptionnels ont été enregistrés dans ce département et le nord-est du Var. «Les pluies diluviennes, atteignant localement 500 litres par mètre carré, ont engendré des crues dévastatrices du Var [le fleuve, ndlr] et des cours d’eau tributaires», retrace Météo-France. Ainsi, 500 mm de pluie ont été enregistrés à Saint-Martin-Vésubie en vingt-quatre heures, un record tous mois confondus en vingt-quatre, quarante-huit ou soixante-douze heures à l’échelle départementale. Les quantités précipitées dans la région plus généralement correspondent à «des épisodes qui ne se produisent en moyenne qu’une fois par siècle, voire moins», pointe l’organisme de météorologie.
Les vallées de la Roya et de la Vésubie dans l’arrière-pays niçois sont les plus touchées. Dix personnes ont perdu la vie et huit autres ont disparu. Sur quelques communes, une centaine d’habitations ont été détruites, tout comme une gendarmerie, une usine EDF, diverses stations d’épurations et 200 kilomètres de routes et six ponts. En Bretagne, Alex a engendré des rafales de 186 km/h à Belle Île (Morbihan), un record. Les fortes pluies ont également entraîné des crues. De nombreux arbres ont chuté, 100 000 foyers ont été privés d’électricité, le trafic ferroviaire a été interrompu… Toutefois, Alex est une tempête «modérée» car de courte durée, qui n’a affecté que 2 % du territoire.