«Poursuivre la transition écologique» tout en opérant un «recalibrage des aides» (comprendre une baisse). Telle est la proposition du gouvernement de Michel Barnier dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, présenté ce jeudi 10 octobre. De nombreuses interrogations et multiples zones d’ombre subsistent sur cette feuille de route, mais les premiers éléments semblent tendre vers une seule réalité : la sacralisation du «budget vert», bénéficiaire d’une enveloppe inédite pour 2024 qui montrait la voie, ne perdurera pas en 2025. Le PLF envisage bien une augmentation de 2,77 milliards d’euros de crédits en faveur de la «mission Ecologie», celle qui porte sur les dépenses liées au climat, à la biodiversité, à l’énergie, à la prévention des risques et aux transports. Mais cette somme est bien en deçà des enveloppes débloquées il y a un an (à titre d’exemple, les budgets consacrés à la compétitivité verte et aux mobilités inscrits dans le PLF 2024 dépassent à eux seuls ces 2,77 milliards d’euros annoncés). Par ailleurs, d’après un tableau fourni à la presse relatif au «total de l’effort» à fournir pour freiner les dépenses mais qui n’est pas le «vrai budget», l’exécutif entend trouver 1,9 milliard d’économie dans le champ de l’environnement. Trois aides en faveur de la transition écologique sont dans le viseur, dont certaines ont déjà fait l’objet de coup de rabot au cours de cette année.
Recap
«Sans surprise étant donné la situation budgétaire, le projet de budget 2025 est décevant pour la planification écologique, réagit Damien Demailly, directeur adjoint de l’Institut de l’économie pour le Climat I4CE. Si les dépenses pour la transition écologique augmentent, c’est du fait de la baisse des prix de l’électricité qui pousse mécaniquement à la hausse les dépenses de l’Etat pour l’électricité renouvelable [qui est obligé, de par ses engagements contractuels passés, de compenser la baisse de revenus des producteurs éoliens et solaires quand le prix de l’électricité baisse, ndlr]. Les coupes actées en début d’année sur d’autres secteurs sont en revanche confirmées et de nouvelles sont proposées, au risque d’enrayer la dynamique positive à l’œuvre pour les investissements climat.»
Première victime du «freinage des dépenses» souhaité par le nouveau gouvernement : MaPrimeRénov. En février déjà, le gouvernement de Gabriel Attal, à la recherche de 10 milliards d’euros d’économie, avait choisi d’amputer d’un milliard d’euros, en 2024, ce dispositif d’aide à la rénovation énergétique des logements, jugé inefficace en l’état par l’exécutif (pas assez de demandes de la part des particuliers, manque d’accompagnateurs pour les travaux…). Michel Barnier sembler vouloir sanctuariser cette baisse pour l’année prochaine. Dans le dossier fourni à la presse, le montant de l’enveloppe affiché pour 2025 est de 2,5 milliards d’euros de crédits de paiement. «Si on compare le montant de MaPrimRénov 2025 par rapport à celui de 2023, vous êtes encore en hausse de 900 millions d’euros», tente-t-on de rassurer du côté de Bercy. Dans un rapport publié cet été, l’ONG Oxfam France avait pointé les «efforts insuffisants» du soutien de l’Etat face aux 5,2 millions passoires thermiques du pays.
«Le coût de l’inaction»
Comme redouté, le «fonds vert» y perd aussi des plumes. Annoncé par Elisabeth Borne (alors cheffe du gouvernement) durant l’été infernal et hors norme de 2022, ce dernier est exclusivement destiné à financer la transition écologique des collectivités. Vanté par l’exécutif comme l’outil principal pour accélérer les projets vertueux et «locaux», son enveloppe d’autorisations d’engagement passe de 2,5 milliards d’euros à 1 milliard. Comme pour MaPrimeRénov, au début de l’année 2024, le gouvernement avait tranché pour retirer 400 millions d’euros de ce fonds. Le rabotage se poursuit donc, dans des proportions toujours plus grandes (il s’agit d’une baisse de 60% par rapport aux crédits votés dans la loi de finances 2024). «C’est un mauvais signal, a commenté, mercredi sur TFI, l’ancien ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, anticipant cet arbitrage. Le problème en matière d’écologie, c’est que l’on ne parle jamais du coût de l’inaction. Sauf que si on n’investit pas, par exemple, pour prévenir la montée des océans et l’érosion du trait de côte, ce que ça nous coûtera à la fin, si on ne fait rien, ce sera dix fois plus cher pour les finances publiques.»
La troisième «aide écologique» touchée par les coupes souhaitées par le gouvernement concerne les primes à l’achat de véhicules électriques (le fameux bonus), nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sur le territoire (le secteur des transports représente aujourd’hui 34% des émissions nationales). Dans le PLF 2025, l’exécutif désire réduire d’un tiers le montant de ce soutien financier aux voitures propres – du 1,5 milliard d’euros inscrits au PLF 2024, il n’y a désormais plus qu’un milliard.