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Nucléaire

Bure : l’enfouissement des déchets radioactifs pourrait coûter jusqu’à 37,5 milliards d’euros

Le coût du projet Cigéo devrait augmenter entre 4,4 % et 50 % par rapport à la facture arrêtée en 2016, annonce l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ce lundi 12 mai.
Une galerie à Bure le 11 octobre 2022. (Mathieu Cugnot/Divergence)
publié le 12 mai 2025 à 9h20

La facture explose pour dissimuler les déchets radioactifs. Le projet Cigéo d’enfouissement des résidus nucléaires les plus dangereux à Bure (Meuse) pourrait coûter entre 26,1 et 37,5 milliards d’euros, au lieu des 25 milliards jusqu’ici envisagés, selon la nouvelle évaluation de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) rendue publique ce lundi 12 mai.

Lancé en 1991, le projet Cigéo – pour «Centre industriel de stockage géologique» – contesté par des écologistes et des associations locales, doit accueillir à 500 mètres sous terre des déchets des centrales nucléaires devant rester hautement radioactifs pendant plusieurs centaines de milliers d’années. Au total, 83 000 m³ de ces déchets sont attendus, dont la moitié a déjà été produite.

La mise à jour de l’évaluation représente, selon les hypothèses, une hausse qui se situerait entre 4,4 % et 50 % par rapport au coût arrêté en 2016 par la ministre de l’Ecologie et de l’Energie d’alors, Ségolène Royal, soit 25 milliards d’euros. A l’époque, des organisations environnementales avaient dénoncé «un montant largement sous-estimé».

«Il s’agit d’un coût globalement maîtrisé, très proche» du précédent chiffrage de l’Andra en 2014 soit 33,8 milliards, a assuré Gaëlle Saquet, directrice générale par intérim de l’établissement public qui pilote le projet. En ajoutant l’inflation, la facture grimperait entre 32,8 et 45,3 milliards d’euros.

Coût fixé avant fin 2025

Le dernier mot reviendra au ministre de l’Energie, qui devra fixer par arrêté d’«ici fin 2025» le nouveau coût, après avoir recueilli l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et les observations des principaux producteurs de déchets. En l’occurrence, EDF, Orano et le CEA, qui financent le projet à travers des provisions selon le principe du «pollueur-payeur».

L’Andra a déposé en janvier 2023 sa demande d’autorisation de création du projet, en cours d’instruction, pour une décision attendue fin 2027 ou début 2028. Les «colis» de matières radioactives seront progressivement stockés dans près d’un millier d’alvéoles à partir de 2050, un processus qui prendra environ quatre-vingt-quinze ans, avant la fermeture du site envisagée «à l’horizon 2170».

Ce nouveau chiffrage couvre donc l’ensemble des coûts sur «une période de plus de cent cinquante ans», de la construction (7,9 à 9,6 milliards d’euros) à la fermeture du stockage, en passant par la maintenance, la sécurité, les assurances et les impôts et taxes. Il est établi sur la base du «calendrier prévisionnel actualisé», qui tient compte notamment «du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour la réalisation des études d’avant-projet détaillé» et de retours d’expérience «en matière de travaux souterrains». Mais au regard de la complexité du projet, hors norme par sa durée, «on ne s’est pas arrêté à un seul chiffre», souligne Gaëlle Saquet.

Le chiffrage comprend différents scénarios. Cela inclut notamment des incertitudes sur le niveau de fiscalité des installations nucléaires ou sur la réalisation d’économies permises par l’utilisation de matériaux plus performants. La facture prévoit également des coûts de sécurisation du site d’environ 10 millions d’euros par an qui n’étaient pas prévus en 2014.

Nouveaux EPR

Le coût du projet est prévu pour le stockage des déchets déjà produits ou futurs des installations nucléaires existantes ou déjà autorisées à fin 2016 qui constituent «l’inventaire de référence». Mais pas ceux des six futurs réacteurs EPR2 annoncés en 2022 par Emmanuel Macron, qui ne sont pas encore autorisés, précise l’Andra. Toutefois, l’instance a étudié cette hypothèse qui représenterait une augmentation de 5 % du volume des déchets dits «à vie longue» et de 20 % des déchets dits «à haute activité» par rapport au total prévu pour Cigéo. Ceux-ci «seront intégrés dans l’inventaire de réserve» et «la faisabilité de leur prise en charge […] regardée pendant l’instruction».

Si la relance du nucléaire va au-delà, avec les huit EPR2 additionnels évoqués par Emmanuel Macron ou de petits réacteurs (SMR), d’autres études seront nécessaires, et «si on rajoute des déchets, forcément le coût augmentera», affirme l’Andra.