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Enfouissement

Déchets nucléaires à Bure : le Conseil constitutionnel juge le projet compatible avec le droit des générations futures

Saisie au sujet du projet d’enfouissement de déchets nucléaires en Lorraine, contesté depuis une vingtaine d’années, la plus haute juridiction française a estimé ce vendredi 27 octobre que le projet est conforme à la Constitution. Il reconnaît cependant pour la première fois des critères aux menaces aux droits des générations futures, «des conditions drastiques» pour Greenpeace.
Le projet vise à creuser 250 km de galeries à 490 mètres de profondeurs pour y stocker des déchets radioactif. (Mathieu Cugnot/Divergence)
publié le 27 octobre 2023 à 10h21

Après vingt ans de lutte, la décision fera date. Le Conseil constitutionnel a jugé ce vendredi 27 octobre que le stockage de déchets nucléaires à Bure (Lorraine) «ne méconnaît pas» le droit des générations future. Cette décision de la plus haute juridiction française se base sur «les garanties» apportées sur la réversibilité de ces enfouissements. Cependant, l’instance reconnaît explicitement pour la première fois que le législateur, lorsqu’un projet est susceptible de porter une atteinte «grave et durable» à l’environnement, doit veiller à ce que «les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins».

L’association Greenpeace, requérante dans cette affaire, «déplore le refus de contrôle du Conseil constitutionnel sur les questions techniques dans les dossiers nucléaires» mais se dit «satisfait de cette avancée juridique», souligne auprès de Libération Laura Monnier, responsable juridique de Greenpeace.

Cette décision permettra en effet à des associations de s’appuyer sur le droit des générations futures si elles attaquent d’autres projets industriels. Mais la contrainte sera forte, en devant prouver qu’un projet porte une atteinte «grave et durable» à l’environnement. «La charge de la preuve peut être insurmontable dans des projets industriels», considère Laura Monnier. «Le Conseil constitutionnel ouvre une porte, mais avec des conditions drastiques».

Mais si Bure a perdu cette bataille, une nouvelle date d’audience a été annoncée aux riverains et associations opposés à Cigéo : le 8 novembre, le Conseil d'Etat jugera de la déclaration d’utilité publique du projet de stockage.

Après des manifestations, des procès et de nombreuses tensions, les 61 requérants avaient saisi le Conseil constitutionnel. Les riverains, 14 organisations locales et 7 nationales comme Attac, France Nature Environnement, Greenpeace ou encore «Sortir du nucléaire», contestaient le projet de stockage géologique «Cigéo», qui vise à enfouir à 500 mètres de profondeur des déchets radioactifs. Celui-ci avait été validé par le gouvernement qui l’a déclaré d’utilité publique en 2022.

Réversibilité

Les requérants demandaient au Conseil constitutionnel de vérifier si le mode de traitement des déchets prévu dans le sous-sol argileux de Bure respecte les principes constitutionnels, à savoir ceux posés par le préambule de la Charte de l’environnement de 2005.

En matière d’enfouissement des déchets, le principe imposé par les textes français est d’assurer la réversibilité de la méthode de stockage, pendant au minimum plusieurs décennies au cours desquelles il faut pouvoir changer de méthode ou récupérer les déchets.

Or, soutenaient les requérants, le délai considérable - jusqu’à des centaines de milliers d’années - durant lequel les déchets les plus toxiques doivent être conservés avant que les radiations ne retombent à des niveaux sûrs excède largement cette durée, et hypothèque le droit des générations futures.

Mise à jour : à 11 h 33, avec davantage de détails sur la décision du Conseil constitutionnel et la réaction de Greenpeace.