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Justice

«Bombes climatiques» : BNP Paribas mise en demeure par des ONG pour son financement de nouveaux projets pétro-gaziers

Les associations Oxfam France, les Amis de la Terre et Notre affaire à tous ont mis en demeure ce mercredi la banque, premier financeur européen et cinquième mondial du développement des énergies fossiles, sur la base du non-respect de son devoir de vigilance.
Les représentants des ONG Oxfam France, les Amis de la terre et Notre affaire à tous le 26 octobre, devant une agence bancaire BNP Paribas. (Emmanuel Dunand/AFP)
par Marine Bourrier
publié le 26 octobre 2022 à 10h50
(mis à jour le 26 octobre 2022 à 14h47)

Un ultimatum avant une action en justice inédite. Ce mercredi, veille du Climate Finance Day, trois associations environnementales – les Amis de la Terre France, Oxfam France et Notre affaire à tous – ont annoncé mettre en demeure le groupe BNP Paribas pour manquement à son devoir de vigilance en matière climatique. Le géant bancaire français a trois mois pour produire une réponse satisfaisante, au risque de voir les associations se tourner vers la justice, ce qui constituerait le premier contentieux climatique mondial mettant une banque face à ses obligations légales en matière climatique.

«Nous voulons mettre les acteurs financiers devant leurs responsabilités, a déclaré lors d’une conférence de presse Cécile Duflot, déléguée générale d’Oxfam France. Le président-directeur général de BNP Paribas, [Jean-Laurent] Bonnafé, a une responsabilité énorme dans la faillite de notre modèle actuel en continuant à financer ce qui met en danger notre climat.» Dans le viseur des associations : le soutien étroit de la première banque européenne à de nouveaux projets d’énergies fossiles.

Entre 2016 et 2021, soulignent les ONG, BNP Paribas s’est positionné comme le «premier financeur européen et cinquième mondial du développement des énergies fossiles, avec 55 milliards de dollars de financements accordés». La banque est notamment le premier financeur mondial de Shell, Eni et BP et le deuxième financeur mondial de TotalEnergies. Des «liaisons très dangereuses», estime Lorette Philippot, chargée de campagne des Amis de la Terre.

«Il n’est plus possible qu’en 2022, une banque de cette envergure puisse nous amener à ce point dans le mur climatique», commente Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous, une des associations qui avait fait condamner l’Etat français pour inaction climatique. Ces trois associations appellent BNP Paribas à cesser immédiatement ces financements néfastes, véritables «bombes climatiques», comme l’a fait la Banque postale, première banque à s’être engagée à sortir des énergies fossiles d’ici à 2030 en cessant de financer des projets basés sur le pétrole et le gaz.

Devoir de vigilance

Cette mise en demeure s’appuie, en droit français, sur une loi française de 2017 sur le devoir de vigilance, qui «oblige les multinationales françaises à prendre des mesures pour prévenir et éviter les risques que font peser leurs activités sur les droits humains, l’environnement, la santé», expose François de Cambiaire, avocat associé du cabinet Seattle Avocats qui accompagne les associations dans leur action. Si BNP Paribas s’est engagé sur une trajectoire 1,5°C en adéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris, les associations pointent une forme de «greenwashing», estimant que continuer d’investir dans les énergies fossiles, principales sources d’émission de gaz à effet de serre, est incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement global à 1,5°C.

Selon Oxfam France, l’empreinte carbone du géant bancaire s’élève à 749 millions de tonnes équivalent CO2, un taux bien supérieur à l’ensemble des émissions du territoire français. En mai 2021, la justice néerlandaise a condamné la compagnie pétrolière Shell à accélérer son plan de réduction de ses émissions carbones, après un recours lancé par plusieurs ONG. La multinationale anglo-néerlandaise, qui a fait appel, a été condamnée sur des «fondements similaires à ceux de l’Affaire BNP Paribas», assure l’avocat François de Cambiaire, «ce qui prouve que cela fonctionne».

Les ONG exigent de la banque un bilan carbone exhaustif, incluant les émissions induites par ses financements. La mise en demeure demande également à BNP Paribas de «réduire ses émissions de CO2 de 45 % d’ici 2030 par rapport au niveau 2010» et de «réduire ses émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici 2030 par rapport au niveau 2020». Contacté par Libération, BNP Paribas a réagi à la mise en demeure, affirmant être «l’une des grandes banques mondiales ayant les objectifs les plus ambitieux de réduction des financements du pétrole». Le groupe rappelle s’être engagé à réduire son exposition sur la production de pétrole et de gaz de 12 % à horizon 2025, comparée à 2020, et de 25 % pour la production de pétrole. Ces objectifs, «parmi les plus ambitieux du monde», sont «compatible[s] avec la perspective de financer une économie neutre en carbone à horizon 2050», assure la banque, qui dit faire de la «transition vers le bas carbone de l’ensemble de l’économie» une «priorité», via son financement des énergies renouvelables.

En attendant un retour formel de la banque, trois associations comptent mener une campagne de sensibilisation – pour informer que «l’argent des 7,7 millions de clients de cette banque est utilisé pour financer le développement d’énergie fossile»- et ont lancé une pétition en ligne, appelant à une «mobilisation citoyenne».

Mise à jour à 14h30 : actualisé avec la réaction de BNP Paribas.