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Marche arrière

Autoroute A69 : la justice relance les travaux malgré leur annulation totale en première instance

Sans attendre le procès en appel sur le fond, la cour administrative a réautorisé, ce mercredi 28 mai, le chantier stoppé il y a trois mois, au risque que la construction de la voie rapide soit achevée avant d’être définitivement tranchée. Les opposants appellent à une nouvelle mobilisation.
Sur le chantier de l'autoroute A69 sur la commune de Verfeil (Haute-Garonne), le 4 mars 2025. (Ulrich Lebeuf/Myop. Libération)
publié le 28 mai 2025 à 9h24

Nouveau rebondissement dans l’interminable feuilleton de l’A69. La cour administrative de Toulouse a autorisé, ce mercredi 28 mai, la reprise du chantier de l’autoroute entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn), trois mois après sa mise à l’arrêt. L’instance se prononçait sur un recours à court terme déposé par l’Etat, un «sursis à exécution», visant à faire redémarrer les travaux de ce ruban de bitume ultra-contesté de 53 km, sans attendre la décision définitive sur le fond, qui doit être rendue dans plusieurs mois lors du procès en appel.

L’instance a notamment estimé que les arguments développés par «les associations et personnes contestant les autorisations environnementales ne paraissaient pas sérieux». Le 27 février, pourtant, le tribunal administratif de Toulouse avait arrêté la construction de cette autoroute en gestation depuis trente ans, en invoquant l’absence de «raison impérative d’intérêt public majeur», et donc de justification des atteintes commises contre l’environnement.

Ce virage surprise, inédit en matière de droit environnemental, avait plus que crispé les défenseurs de l’autoroute, notamment les élus locaux et le gouvernement. L’Etat avait immédiatement annoncé son intention de faire appel sur le fond, et de déposer ce recours, validé ce jour par la cour.

«Eléments fallacieux»

Les signaux envoyés dernièrement par la justice n’allaient pas dans le sens des opposants. Lors de l’audience examinant la demande de l’Etat, mercredi 21 mai, le rapporteur public, magistrat dont la vocation est d’éclairer la juridiction et dont les avis sont en général suivis, s’était dit favorable à une reprise du chantier estimant que l’importance des villes de Castres, Mazamet et Toulouse, justifiait «par nature qu’elles soient reliées par des infrastructures routières rapides».

Dans un communiqué de presse, le collectif écologiste la Voie est libre (LVEL) avait dénoncé de son côté des «éléments de langage empruntés aux porteurs du projet». Selon les opposants, «le magistrat a repris à son compte plusieurs éléments fallacieux d’Atosca», le concessionnaire de l’A69. «L’objectif est d’obtenir au plus vite la reprise des travaux», avait souligné de son côté le député du Tarn Jean Terlier, l’un des porteurs du projet, en mettant en avant le coût selon lui exorbitant de l’immobilisation et la sécurisation du chantier.

Désormais entérinée, la reprise du chantier, anoncée «à partir de mi-juin» par le ministre des Transports, va se faire progressivement, car il faut faire revenir dans le Tarn les engins de chantier, un millier d’ouvriers, et attendre «deux ou trois mois pour tourner à plein régime», estime Jean Terlier. Quant à la décision sur le fond de la cour, il ne l’imagine pas avant 2026. Ce délai inquiète particulièrement les opposants. En laissant Atosca reprendre les travaux, la justice prend le risque qu’ils se terminent avant d’avoir le temps de rendre sa décision définitive sur le sujet. On pense par exemple au cas strasbourgeois, où la justice avait fini par donner raison aux opposants du «grand contournement ouest», alors que l’autoroute était construite à 90 %, ne permettant pas la suspension du chantier ni l’ouverture de la voie.

A la procédure judiciaire, s’ajoute en parallèle l’attaque législative menée par les parlementaires de droite afin de contourner la décision des tribunaux. Une proposition de loi, déjà adoptée en première lecture au Sénat, arrivera lundi 2 juin à l’Assemblée nationale. Le texte a justement pour but de valider rétroactivement les arrêtés cassés par le tribunal, afin de légaliser définitivement les travaux. Une manœuvre qui est ni plus ni moins qu’une «violence institutionnelle», selon l’avocate de LVEL, Me Alice Terrasse. Celle-ci regrette «un mépris évident de la justice» et «une tendance à ne plus forcément respecter les décisions de justice, à ne plus respecter les juges, à se dire qu’à partir du moment où on a décidé un projet, l’Etat décide de l’intérêt général et basta».

Nouvelle grande mobilisation

«L’urgence, c’est de laisser la juridiction de fond faire son travail», insiste Alice Terrasse, en déplorant que les pro-autoroute, tout comme le rapporteur public, privilégient l’équité territoriale, «qui ne constitue pas une raison impérative d’intérêt public majeur», «au détriment de l’environnement». Un appel à se rassembler devant les préfectures, en particulier celle de Toulouse, ce mercredi à 18 h 30 tourne désormais sur les boucles Telegram.

Le 20 mai, la coalition de collectifs anti-A69 avait déjà appelé à une nouvelle mobilisation les 4, 5 et 6 juillet. «Nous ne les laisserons pas passer en force et recommencer. Nous ne les laisserons pas poursuivre jusqu’au bout leur politique de la destruction accomplie et arguer qu’un chantier ne peut plus être arrêté puisqu’il est déjà trop avancé», affirme-t-elle dans un communiqué, relayé par les Soulèvements de la terre sur Telegram. Depuis le début des travaux en mars 2023, les opposants à l’autoroute ont occupé des arbres pour éviter leur abattage, tenté d’installer des ZAD sur le tracé, organisé des rassemblements de milliers de personnes, dont certains ont été émaillés d’incidents violents avec les forces de l’ordre.

Après la forte mobilisation des écologistes, ce sont les partisans de l’A69 qui se sont fait entendre ces derniers mois, notamment en manifestant en masse le 8 mars à Castres avec comme slogan : «A69, on finit !» A l’instar de l’association Via81, ils voient dans cette infrastructure une solution de désenclavement du bassin de population de Castres-Mazamet, bien que cet argument ait été balayé par le tribunal de Toulouse en première instance.