En janvier, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, s’était rendue sur le site de Stocamine, à Wittelsheim (Haut-Rhin). Parce qu’elle ne voulait «pas qu’une décision soit prise d’un bureau parisien», et que «pas un [seul de ses prédécesseurs] ne s’est bougé le cul pour venir». Elle avait décidé le confinement total de l’ancienne mine de potasse, où sont stockées 42 000 tonnes de déchets toxiques non radioactifs (amiante, arsenic, mercure…), sous la nappe phréatique d’Alsace, au grand dam des collectivités locales et d’associations écologistes. Mais à quelques jours du coup d’envoi des travaux, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé vendredi l’arrêté préfectoral qui autorisait l’enfouissement «pour une durée illimitée» des déchets. Une décision contestée par l’Etat, qui annonce ce lundi se pourvoir en cassation.
La justice avait été saisie par la région Grand Est, la Collectivité européenne d’Alsace, la commune de Wittelsheim et l’association Alsace nature. Dans son arrêt, la cour souligne que la société des Mines de potasse d’Alsace, qui exploite Stocamine, «ne justifie pas disposer de capacités financières la mettant à même de mener à bien l’exploitation illimitée et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du prolongement de l’autorisation». Elle appelle donc le préfet à «procéder à une nouvelle évaluation des garanties financières constituées par l’exploitant».
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Possible pollution de la nappe phréatique d’Alsace
L’exploitation du site de Stocamine avait été autorisée en 1997 pour trente ans par un premier arrêté préfectoral, afin de reconvertir cette mine de potasse en fin de vie en décharge industrielle souterraine, et d’y stocker 320 000 tonnes de déchets dangereux à 535 mètres de profondeur. L’apport de déchets avait été interrompu en 2002 après l’incendie d’un des lieux de stockage, alors que plus de 44 000 tonnes avaient déjà été descendues. Depuis, les études s’étaient multipliées pour souligner les dangers qu’impliquerait le retrait des déchets toxiques mais aussi les risques que leur confinement ferait peser sur l’environnement, et notamment la possible pollution de la nappe phréatique d’Alsace.
Sous le quinquennat de François Hollande, l’Etat avait décidé du retrait de 93 % des déchets de mercure, et du confinement du reste des déchets. Un arrêté préfectoral avait été pris en mars 2017 pour autoriser le confinement «illimité» des déchets. Devant la fronde des collectivités locales et d’associations de défense de l’environnement, l’Etat avait ensuite de nouveau envisagé de procéder à un retrait de déchets supplémentaire. Mais Barbara Pompili avait donc mis fin à l’incertitude en janvier, en décidant du confinement définitif des déchets. Les travaux d’aménagement avaient été menés sur place depuis plusieurs mois et les premières coulées de béton, visant à former des bouchons imperméables empêchant l’accès aux déchets, étaient attendues début novembre.
Le bras de fer est loin d’être terminé avec l’annonce par le gouvernement de son intention de se pourvoir désormais en cassation, devant le Conseil d’Etat. Dans un communiqué, le ministère de la Transition écologique estime que la décision de la cour «retarde un confinement qui ne peut plus attendre», notamment à cause de «l’affaissement des galeries du site (qui) rendra impossible toute intervention après la fin de la décennie». «La réalisation du confinement dans des conditions optimales est indispensable pour assurer la protection de la nappe d’Alsace», complète-t-il.
Les élus locaux et les associations de défense de l’environnement favorables à un destockage complémentaire des déchets plutôt qu’un confinement n’ont pas tardé à critiquer la réaction de l’exécutif. «C’est dommage, c’était l’occasion de remettre les choses à plat. Il y a d’autres solutions, nous ne voulons pas handicaper l’avenir des générations futures. L’Alsace n’est pas une poubelle», déplore Frédéric Bierry, le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA). «Cette décision va encore rallonger les délais de déstockage alors que les risques de pollution de l’eau et de l’environnement sont avérés», ajoute-t-il, renouvelant sa proposition de «concertation avec l’ensemble des partenaires pour l’avenir du site».
Mise à jour : actualisé ce lundi à 15 h 30 avec le pourvoi en cassation de l’Etat.